Parlons politique car je suis en colère. Jusqu'ici, je m'étais abstenue de narrer cette affaire qui touche à ma vie dermatologique et à ma contraception, c'est-à-dire à ma vie privée, mais là nous avons atteint un stade qui nécessite un coup de gueule.
C'est de Diane 35 que je veux et que je vais vous parler.
J'ai eu mes premiers boutons d'acné à 12 ans. Quelques gros machins purulents, peu nombreux, assez typique de l'âge. J'ai tout de suite eu droit à un petit traitement local dont je n'ai jamais constaté les effets ; je me suis desséché la peau pour finalement me retrouver avec un acné bien plus important au lycée. Pour ma première contraception, j'ai demandé une pilule agissant sur ce problème. On m'a donc gentiment prescrit Jasminelle, une troisième génération peu dosée qui a certes bien rempli son rôle de contraceptif mais n'a eu aucun effet sur ma peau. Alors mon dermato de l'époque, confiant, m'a fait passer à sa grande soeur Jasmine qui a été tout aussi inefficace. J'étais presque sortie du lycée quand ma mère a eu la bonne idée de me dire : "Il suffit que tu prennes la Diane 35 et tu n'auras plus rien du tout !". Pourquoi le monde m'avait-il caché ça si longtemps ?
Mon généraliste m'a prévenue que je risquais de prendre du poids et qu'il ne faudrait pas venir râler ; au contraire je me réjouissais. L'effet de la Diane a été immédiat au niveau du cuir chevelu, et n'a pas tardé à se faire sentir sur ma peau. Le bonus, c'est qu'elle coûtait trois fois moins cher que ma première pilule. J'étais ravie et au bout de quelques mois j'ai fait la prise de sang traditionnelle, qui a alarmé ma gynéco. Rien d'inhabituel : mes taux de cholestérol et de triglycérides avaient toujours été supérieurs à la moyenne (un truc familial), mais voilà qu'on me demandait de faire un régime si je voulais garder ma pilule. Moi, un régime ? Alors que j'ai un indice de masse corporelle proche de la maigreur et que je mange sainement ? Le généraliste ne l'entendait pas de cette oreille : "Pas la peine de faire un régime, il faut arrêter la pilule. Je vais te prescrire des antibiotiques qui auront le même effet sur l'acné.". J'ai dit d'accord, si vous le dites, j'ai bouffé les antibios en respectant la posologie, et mon acné est revenu en plus étendu. J'ai détesté cette période : j'avais plus de boutons que jamais et mes seins, pas bien gros au départ, avaient rétréci.
Mais je ne me suis pas laissée faire : peu de temps après, contraception oblige, j'ai repris les plaquettes qu'il me restait sans laisser le choix à mon généraliste, qui en échange m'a prescrit des prises de sang régulières. Ces dernières ont montré une diminution et une stabilisation à la normale de mes graisses sanguines, ce qui m'a permis de garder Diane 35 et de m'épanouir avec une peau à peu près belle... mais pas pour longtemps.
Début 2013, l'affaire ultra-médiatisée sur les dangers de Diane 35 et l'annonce de son retrait sont venus tout remettre en question. Personne n'y comprenait rien, mes médecins, les profs de fac de médecine, mon copain qui me disait que le paracétamol tue bien plus de personnes chaque année, et moi, la première concernée. "Je ne vois qu'une seule solution, a déclaré ma dermato adorée : la contrebande. Allez l'acheter en Allemagne." J'avais jusqu'au mois de mai pour faire des stocks en France avant le retrait. Je ne croyais pas à une suppression définitive, même si on me la certifiait. J'ai donc vécu sur mes réserves, "en attendant", pendant six mois, puis j'ai tenté l'Allemagne. A la caisse, la pharmacienne m'a annoncé :
<< Trente-trois euros et trente centimes, s'il-vous-plaît. >>
J'ai eu un instant d'incrédulité.
<< Euh... Vous n'auriez pas un générique ? >>
Elle a mis dix minutes à explorer son ordinateur pour trouver le seul et obscur générique disponible, à vingt-quatre euros. J'avais toujours mal au cul, mais j'ai payé quand même.
En France, la différence entre l'originale et le générique était de neuf centimes. En France, Diane 35 coûtait 9,99 €.
Je suis repartie en me disant qu'il allait peut-être falloir que j'accepte de passer à autre chose. Le problème, c'est que j'avais bien exploré les possibilités : un médecin me disait prenez celle-ci, un autre me disait prenez celle-là, un troisième déclarait qu'on m'avait dit n'importe quoi et qu'il n'existait aucune autre pilule capable d'agir sur la peau. Et évidemment, ce qui ressortait du discours de chacun, c'était : "Oh mais maintenant vous avez vingt-et-un ans, l'adolescence c'est fini, vous n'aurez plus de boutons.". Oui madame, sauf que mes antécédents familiaux montrent qu'on peut arrêter la pilule à 40 ans et retrouver son acné juvénile. Si j'ai encore quelques boutons sous Diane 35, qu'est-ce que ce serait sans ?
Deuxième bouleversement de l'histoire, j'ai appris en novembre que ma pilule idéale allait revenir sur le marché en janvier 2014 et mon ordonnance renouvelable pour un an était prête. Je n'étais que joie. Je savais bien que ce ne serait que provisoire ! Je le savais, que l'Europe n'avait pas approuvé !
Le jour de retourner à la pharmacie après la prohibition est arrivé, c'était il y a une heure et demi. Quand j'ai tendu l'ordonnance, j'avais encore l'impression d'être une hors-la-loi, de passer pour une imprudente, une inconsciente qui joue avec sa santé, au bord de la thrombose artérielle. La pharmacienne est partie dans la réserve sans que j'aie le temps de lui demander le générique, et elle est revenue avec une boîte portant une étiquette orange avec la mention 33. J'ai demandé le prix, pour être sûre. Il devait y avoir une erreur.
<< Trente-trois euros et trente centimes.
- Mais... Elle coûtait neuf euros avant...
- Je sais. C'est parce qu'il n'y a plus de demande.
- Vous avez un générique ?
- Non, c'est tout ce qu'on a. C'est la première que je délivre depuis la remise sur le marché. >>
J'ai eu envie de pleurer. Même les précautions que j'ai prises pour ne pas interrompre mon traitement, même la rapidité de réaction de l'Europe pour lever l'interdiction n'ont pas suffit à ce que tout rentre dans l'ordre.
A cause d'une décision arbitraire, la pilule magique qui me coûtait 3,30 € par mois pour avoir une contraception efficace, une belle peau et peut-être même de beaux seins, a vu son prix augmenter de 336 %.
Je m'effondre en moi-même de vivre dans un monde aussi absurde.
C'est de Diane 35 que je veux et que je vais vous parler.
J'ai eu mes premiers boutons d'acné à 12 ans. Quelques gros machins purulents, peu nombreux, assez typique de l'âge. J'ai tout de suite eu droit à un petit traitement local dont je n'ai jamais constaté les effets ; je me suis desséché la peau pour finalement me retrouver avec un acné bien plus important au lycée. Pour ma première contraception, j'ai demandé une pilule agissant sur ce problème. On m'a donc gentiment prescrit Jasminelle, une troisième génération peu dosée qui a certes bien rempli son rôle de contraceptif mais n'a eu aucun effet sur ma peau. Alors mon dermato de l'époque, confiant, m'a fait passer à sa grande soeur Jasmine qui a été tout aussi inefficace. J'étais presque sortie du lycée quand ma mère a eu la bonne idée de me dire : "Il suffit que tu prennes la Diane 35 et tu n'auras plus rien du tout !". Pourquoi le monde m'avait-il caché ça si longtemps ?
Mon généraliste m'a prévenue que je risquais de prendre du poids et qu'il ne faudrait pas venir râler ; au contraire je me réjouissais. L'effet de la Diane a été immédiat au niveau du cuir chevelu, et n'a pas tardé à se faire sentir sur ma peau. Le bonus, c'est qu'elle coûtait trois fois moins cher que ma première pilule. J'étais ravie et au bout de quelques mois j'ai fait la prise de sang traditionnelle, qui a alarmé ma gynéco. Rien d'inhabituel : mes taux de cholestérol et de triglycérides avaient toujours été supérieurs à la moyenne (un truc familial), mais voilà qu'on me demandait de faire un régime si je voulais garder ma pilule. Moi, un régime ? Alors que j'ai un indice de masse corporelle proche de la maigreur et que je mange sainement ? Le généraliste ne l'entendait pas de cette oreille : "Pas la peine de faire un régime, il faut arrêter la pilule. Je vais te prescrire des antibiotiques qui auront le même effet sur l'acné.". J'ai dit d'accord, si vous le dites, j'ai bouffé les antibios en respectant la posologie, et mon acné est revenu en plus étendu. J'ai détesté cette période : j'avais plus de boutons que jamais et mes seins, pas bien gros au départ, avaient rétréci.
Mais je ne me suis pas laissée faire : peu de temps après, contraception oblige, j'ai repris les plaquettes qu'il me restait sans laisser le choix à mon généraliste, qui en échange m'a prescrit des prises de sang régulières. Ces dernières ont montré une diminution et une stabilisation à la normale de mes graisses sanguines, ce qui m'a permis de garder Diane 35 et de m'épanouir avec une peau à peu près belle... mais pas pour longtemps.
Début 2013, l'affaire ultra-médiatisée sur les dangers de Diane 35 et l'annonce de son retrait sont venus tout remettre en question. Personne n'y comprenait rien, mes médecins, les profs de fac de médecine, mon copain qui me disait que le paracétamol tue bien plus de personnes chaque année, et moi, la première concernée. "Je ne vois qu'une seule solution, a déclaré ma dermato adorée : la contrebande. Allez l'acheter en Allemagne." J'avais jusqu'au mois de mai pour faire des stocks en France avant le retrait. Je ne croyais pas à une suppression définitive, même si on me la certifiait. J'ai donc vécu sur mes réserves, "en attendant", pendant six mois, puis j'ai tenté l'Allemagne. A la caisse, la pharmacienne m'a annoncé :
<< Trente-trois euros et trente centimes, s'il-vous-plaît. >>
J'ai eu un instant d'incrédulité.
<< Euh... Vous n'auriez pas un générique ? >>
Elle a mis dix minutes à explorer son ordinateur pour trouver le seul et obscur générique disponible, à vingt-quatre euros. J'avais toujours mal au cul, mais j'ai payé quand même.
En France, la différence entre l'originale et le générique était de neuf centimes. En France, Diane 35 coûtait 9,99 €.
Je suis repartie en me disant qu'il allait peut-être falloir que j'accepte de passer à autre chose. Le problème, c'est que j'avais bien exploré les possibilités : un médecin me disait prenez celle-ci, un autre me disait prenez celle-là, un troisième déclarait qu'on m'avait dit n'importe quoi et qu'il n'existait aucune autre pilule capable d'agir sur la peau. Et évidemment, ce qui ressortait du discours de chacun, c'était : "Oh mais maintenant vous avez vingt-et-un ans, l'adolescence c'est fini, vous n'aurez plus de boutons.". Oui madame, sauf que mes antécédents familiaux montrent qu'on peut arrêter la pilule à 40 ans et retrouver son acné juvénile. Si j'ai encore quelques boutons sous Diane 35, qu'est-ce que ce serait sans ?
Deuxième bouleversement de l'histoire, j'ai appris en novembre que ma pilule idéale allait revenir sur le marché en janvier 2014 et mon ordonnance renouvelable pour un an était prête. Je n'étais que joie. Je savais bien que ce ne serait que provisoire ! Je le savais, que l'Europe n'avait pas approuvé !
Le jour de retourner à la pharmacie après la prohibition est arrivé, c'était il y a une heure et demi. Quand j'ai tendu l'ordonnance, j'avais encore l'impression d'être une hors-la-loi, de passer pour une imprudente, une inconsciente qui joue avec sa santé, au bord de la thrombose artérielle. La pharmacienne est partie dans la réserve sans que j'aie le temps de lui demander le générique, et elle est revenue avec une boîte portant une étiquette orange avec la mention 33. J'ai demandé le prix, pour être sûre. Il devait y avoir une erreur.
<< Trente-trois euros et trente centimes.
- Mais... Elle coûtait neuf euros avant...
- Je sais. C'est parce qu'il n'y a plus de demande.
- Vous avez un générique ?
- Non, c'est tout ce qu'on a. C'est la première que je délivre depuis la remise sur le marché. >>
J'ai eu envie de pleurer. Même les précautions que j'ai prises pour ne pas interrompre mon traitement, même la rapidité de réaction de l'Europe pour lever l'interdiction n'ont pas suffit à ce que tout rentre dans l'ordre.
A cause d'une décision arbitraire, la pilule magique qui me coûtait 3,30 € par mois pour avoir une contraception efficace, une belle peau et peut-être même de beaux seins, a vu son prix augmenter de 336 %.
Je m'effondre en moi-même de vivre dans un monde aussi absurde.