Mardi 3 novembre 2015 à 23:04

Trois mois d'inactivité, même plus. Il fut un temps où les blogs étaient automatiquement supprimés passé ce délai.

Ce temps est révolu, que l'on regarde du côté de la plateforme ou de l'auteur que je suis. Etais. Je n'ai plus ni le temps, ni l'envie ; j'ai même presque oublié. Je suis passée dire au revoir, peut-être. La décision n'est toujours pas évidente mais me paraît de plus en plus logique. Je me suis construite dans mes mots, ce travail d'architecte est terminé maintenant. Je suis suffisamment finie pour aller au-devant de la vie.
Je suis adulte. Je vis maritalement comme dit la CAF. J'habite dans un endroit magnifique et je travaille dans un autre endroit magnifique. Il me rappelle mes origines, et aussi Twin Peaks pour les scieries, et le Twisted River de John Irving, pour ses camions de grumes. J'ai décidé que je pourrais appeler cette vallée Twisted Peaks si j'avais besoin d'en parler sous couvert d'anonymat, mais cela n'arrivera peut-être plus. J'ai cette fascination pour les scieries, mais encore plus pour les couleurs de l'automne sur les montagnes et les nappes de brume qui s'y accrochent. Chaque matin, je ne regrette pas de m'être levée tôt. Et il y a mon nouveau quartier personnel, qui me fait revivre Strasbourg sous un autre angle, un angle tellement plus charmant que mon ancien quartier gare, ses punks à chiens, ses putes et ses vagabonds saoûls sous mes fenêtres. Mon nouveau quartier, je m'y promène en jouissant à chaque pas. Nous y avons posé notre amour et nous passons notre temps à nous en féliciter.
Et même... depuis que j'ai repris le travail (le vrai travail avec mon bureau à moi et mes patients et les leçons tirées de ma première et ardue expérience), les occasions de faire la fête ne manquent pas, voire commencent à surpasser ce que j'ai connu de vie étudiante ici. Rien ne manque, hormis potentiellement un peu de temps ? Mais même si j'en avais, je ne le consacrerais probablement pas à Citron-ciboulette.
Je suis grande et heureuse.

IMG_5170

Mardi 21 avril 2015 à 9:59

J'étais censée commencer à bosser à 9:30. Au lieu de ça, j'ai voulu écrire les histoires que je me racontais dans ma tête en me brossant les dents. Tant de fois racontées à moi-même, ces histoires, qu'il faudrait tout de même les coucher un jour sur le papier. J'ai cherché le document adéquat parmi tous mes trésors et je suis retombée sur une conversation où je racontais une autre histoire à Céline, ma Céline. Je lui parlais comme si j'écrivais un livre. Dire que je censure actuellement ce que je publie ici par rapport à mes amis qui me lisent, alors que j'étais capable en 2010 de faire des récits détaillés, et d'une sensualité, my fucking god ! J'avais oublié. Céline était ma jumelle spirituelle mais j'avais oublié que je me livrais autant à elle. C'est quelque chose que je ne fais plus, avec personne, si nous ne sommes pas branchés exactement sur la même longueur d'ondes concernant le thème de mes récitances. Je comprends que j'aie conservé une copie de la conversation, j'aurais pu m'écrire la scène à moi-même que ce n'aurait pas été mieux. Je me reconnais bien là, à ne pas savoir trier les informations lorsque je parle à chaud. Depuis, je me base sur tout un tas de signaux pour deviner ce qui est de l'ordre du racontable et ce que je dois garder pour moi. L'existence des cahiers rouges y trouve sa justification.
Je n'arrive pas à dire si je suis plus remuée par ce rappel de l'intensité de notre amitié, par ma plume ou par la scène du récit elle-même. Je suis entrée en vibration.

Lundi 20 avril 2015 à 18:05

La verdure a fait son apparition soudaine dans le paysage. Je savais qu'en partant une semaine, elle me sauterait au visage à mon retour. Quatre ans que j'habite ici et je ne me souvenais même pas qu'il y avait autant d'arbres près de chez moi. J'avais même oublié celui que j'ai en vis-à-vis.
Je n'ai jamais été autant subjuguée par le printemps que depuis que j'habite en ville. En hiver, la ville n'est que monuments ; au printemps, la nature s'invite, la nature qu'on avait oubliée. Quand on vit entouré d'herbe, ce surplus de vert est moins remarquable. Du moins, je trouve. Le printemps bisontin au goût d'aventure m'a donné à jamais l'amour des pavés entre mars et juin.
Mon premier magnolia de l'année m'a transpercé le coeur. C'était il y a déjà un mois, dans le tram. Je n'avais ni noeud dans la gorge, ni pression sur la poitrine, ni enclume dans l'estomac ; tout dans les yeux. Toute l'angoisse du monde dans mes sourcils à l'envers, et j'ai vu ce magnolia, et j'ai failli chialer. Je l'ai guetté au retour, et la semaine suivante, et celle d'après. J'ai réalisé qu'il y en avait tout le long du trajet. Je serais infoutue de reconnaître un magnolia sans ses fleurs, pourtant il y en a partout. Des magnolias sur ma route comme des lanternes.
Les arbres ont
explosé. Je fais pareil ; je refleuris.
 
IMG_5814

Mardi 6 janvier 2015 à 12:35

Ce matin, avant de partir acheter un abonnement de tram pour me rendre à mes nouveaux stages qui commencent demain, je me suis souvenue du conseil d'une copine de calculer mes droits aux réductions à partir de mon quotient familial. Il faut dire que je n'avais jamais digéré la fois où je m'étais pointée à la boutique de la CTS en 2012 avec mon attestation de bourse et qu'on m'avait rétorqué que l'échelon 0 ne comptait pas et qu'il n'y avait aucun juste milieu entre la réduction boursier échelon 1 et le tarif moins de 26 ans, étudiant ou non. Ce matin donc, sans grand espoir vu le coup de l'échelon 0, je me suis renseignée sur les "tarifs solidaires" et j'ai cherché sur mon compte CAF mon quotient familial. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que j'avais un QF tout pourri, bien en-dessous de la limite supérieure pour bénéficier du tarif le plus réduit possible. Le site disait, pour les 19-25 ans, avec un QF jusqu'à 350 € : 2,40 € par mois. Et là je peux vous dire que c'était de nouveau Noël dans ma tête. MES FRAIS DE DEPLACEMENTS POUR MON MEMOIRE VONT ME REVENIR A 7,2 € AU LIEU DE 75 € ! JE VAIS POUVOIR UTILISER L'ARGENT RECU A NOEL POUR AUTRE CHOSE QUE CE PUTAIN DE MEMOIRE QUI BOUFFE DEJA MON MORAL ! OUIIIIIIIIIII !
Après il y a aussi eu l'amertume de se dire que j'avais payé le plein tarif pendant 3 ans pour rien, et qu'on s'était bien foutu de ma gueule en s'abstenant de me prévenir. Je sais pas, la guichetière de 2012 aurait pu me dire : on ne fait pas de tarif pour l'échelon 0, mais si vous avez envie de perdre à nouveau une heure de votre vie à faire la queue chez nous, vous pouvez revenir avec votre quotient familial. J'avais un peu les boules de m'être ruinée en abonnements alors que j'aurais pu l'éviter ; puis j'arrive à mon dernier semestre d'études, il serait peut-être temps de profiter des tarifs adaptés à ma situation. Bref. En ébullition, j'ai foncé à la CTS, mon attestation de la CAF sous le bras, un justificatif de domicile au cas où, même si j'avais relu trois fois la page internet pour être sûre qu'ils n'exigeraient rien d'autre que la preuve de mon QF.
La boutique était blindée, bien sûr ; deuxième jour de la première semaine de l'année, tout le monde veut se réabonner. J'ai donc poireauté une heure debout dehors par - 3°C, mais avec sérénité parce que je savais que ça en valait la peine. Il y avait 94 personnes devant moi quand je suis arrivée. Un gentil monsieur m'a avancée de 12 places en me donnant un ticket dont il n'avait plus besoin. Même avec le trafic de tickets, ça a duré une plombe. Et puis ça a enfin été mon tour, j'ai dit "Bonjour, je voudrais un abonnement mensuel calculé sur mon quotient familial", la dame a pris mon papier et elle m'a dit "Ah mais vous êtes en-dessous en de 218€." Ben oui. C'est le principe, je suis pauvre donc je viens demander un tarif pauvre.
- Vous avez mal lu nos conditions.
- J'ai regardé sur internet, j'ai vu "jusqu'à 350 €".
- Oui mais en fait ça marche entre 350 € et 218 €. En-dessous de 218 €, il faut faire d'autres démarches : vous devez vous rendre dans votre mairie de quartier avec votre avis d'imposition pour qu'on recalcule votre quotient familial.

Ma tête a dit : EST-CE QUE C'EST UNE BLAGUE ?!?
Ma bouche a dit avec plein de mépris dans la voix :
- Donc j'imagine que j'ai le droit de payer le plein tarif le temps de faire les démarches ?
- Et bien ça dépend, je ne connais pas votre emploi du temps mais si vous pouvez repasser demain ou après-demain, vous pouvez utiliser des tickets en attendant.

Les démarches nécessitant de se procurer un avis d'imposition que je N'AI PAS puisque je suis toujours déclarée avec mes parents et un rendez-vous dans ma mairie de quartier alors que je ne sais même pas où c'est et que j'ai cours et stage toute la semaine, c'était bien évidemment foutu. Et j'ai payé mon putain d'abonnement à 25 balles.

J'ai des copines qui ont travaillé à la CTS et qui ont supporté la mauvaise humeur des clients, je sais que ce doit être un boulot lourd et je sais que ces pauvres guichetier(e)s n'y sont pour rien dans les lois tarifaires. Je les plains, et tout ça. Mais franchement, j'aurais pu faire une tête au carré à la vendeuse quand elle m'a sorti "vous avez mal regardé". NON, PUTAIN, JE N'AI PAS MAL REGARDE. J'ai vérifié en rentrant, la page internet ne mentionne RIEN, nulle part, même pas une minuscule astérisque, sur un changement de conditions pour les QF en-dessous de 218 €. Sur leur beau graphique des tarifs solidaires, comme ils disent, la dernière case dit "jusqu'à 350 €", et pas "de 218 à 350 €". J'ai vérifié cette page trois fois avant de partir pour être sûre de mon coup, et je n'ai rien vu qui infirmait mon hypothèse. Je n'ai pas exploré tout le site à la recherche d'une couille dans le potage, ça c'est sûr. Mais PUTAIN. Oui, justement, "putain" : tous les gens qui arrivaient à la boutique disaient "putain" en voyant le nombre de clients qui attendaient. Quand au bout de cette putain d'attente, elle t'entube profond sur les tarifs, comment la CTS veut-elle que ses clients restent aimable ?
C'était mon deuxième Noël de savoir que j'allais économiser 70 €. Et bien mon deuxième Noël s'est évanoui aussi vite qu'il a été envisagé. J'enrage d'y avoir cru, j'enrage que la CTS ne soit pas foutue de coller les bonnes informations sur son site, j'enrage que la guichetière rejette la faute de son employeur sur moi. "Tant pis pour votre gueule si vous avez fait la queue pendant une heure le coeur rempli d'espoir, vous n'aviez qu'à mieux regarder." J'ai regardé tout ce qu'il y avait à regarder, madame.


J'attends maintenant la fin avec plus d'impatience que jamais, parce que j'en ai marre marre marre d'être pauvre. Pauvre est bien sûr un grand mot, d'ailleurs je n'ai même pas l'air pauvre, regardez, je suis bien sapée : un pull que je porte depuis 8 ans, un collant épais à 3 € et une jupe que j'ai héritée gratos d'une copine. A l'échelon 0, on n'est pas considéré comme pauvre, et pourtant je ne connais pas grand monde dans la promo qui vit avec moins d'argent que moi après avoir payé son loyer. Peut-être qu'on a visé trop haut dans le choix de l'appartement : j'ai une salle de bain et une cuisine à part de ma chambre, waouh, quel luxe ! Quand j'invite des amis de médecine chez moi, j'ai presque honte qu'on rentre à peine à quatre autour de la table alors qu'ils ont tous de grands apparts avec leur micro-salaire de stagiaires dont ils ne font que se plaindre. Alors oui, on relativise toujours quand on sort de sa bulle protectrice et qu'on voit ce qui se passe à l'extérieur, mais j'ai accumulé trop de remarques stupides et de situations culpabilisantes en cinq ans : "mais tu seras jamais boursière, faut vraiment rien gagner pour avoir une bourse !", "bah tes parents peuvent bien te donner 100 € de plus par mois, non ?", "mais pourquoi tu fais pas les cantines pour avoir un revenu ?", "elle est où l'égalité des sexes si c'est toujours moi qui t'invite au resto ?", "mange donc plus de viande !".
Je veux gagner ma vie pour pouvoir bouffer de la viande autre que du jambon et plus d'une fois par semaine. Je veux gagner ma vie pour pouvoir m'améliorer en cuisine dans un autre domaine que les plats végétariens avec trois lardons ajoutés. Je veux gagner ma vie pour pouvoir racheter des chaussures avant que celles de saison ne soit usées jusqu'à la corde. Je veux gagner ma vie pour pouvoir faire de beaux cadeaux à ceux que j'aime et les inviter plus souvent. Je veux gagner ma vie pour pouvoir commander plus qu'un verre du truc le moins cher quand je sors dans un bar. Je veux gagner ma vie pour pouvoir monter le chauffage au lieu de me les peler par crainte de la facture d'électricité. Entre autres.

Lundi 1er décembre 2014 à 20:24

J'ai commencé un nouveau stage dans un Institut Médico-Educatif (une école pour enfants handicapés, si vous préférez). Ces instituts sont très répandus mais j'ai eu du mal à en trouver un qui puisse convenir comme lieu de stage. Après avoir passé en revue les IME déficience légère, les IME déficience profonde et les IME autisme, j'ai choisi par défaut le seul de ma zone géographique qui soit pourvu d'une orthophoniste. Ca m'arrangeait bien, c'était un IME déficience légère à moyenne, ma préférence. J'imaginais des enfants trisomiques de bon niveau et d'autres gentils gamins comme G. que je voyais en libéral. Juste avant que je ne commence, j'ai appris que les enfants de cet IME n'étaient porteurs d'aucun syndrome, aucun handicap visible, mais d'une déficience mentale qui serait plus un symptôme qu'un trouble. Déjà là, j'avais un peu de mal à situer la chose. Quant aux troubles associés (oui parce qu'un seul handicap ça ne suffit jamais), on m'a parlé de troubles du comportement style agitation. Je visualisais donc des gosses d'aspect ordinaire mais avec une immaturité motrice et une incapacité à tenir en place. En fait, je ne pensais pas du tout qu'agitation était synonyme de nique ta mère. Ces gosses-là, ce sont ceux qu'on voit dans les films sur les enfants difficiles, mais avec un QI faible en supplément. La classe bruyante, les insultes qui fusent, les propos vulgaires... vous visualisez le tableau. Et pourtant, je trouve que ça va. Quand tu as 14 ans, des carences en tout genre, un potentiel intellectuel assez bas et des troubles du comportement, faut pas s'étonner que les hormones fassent de l'effet. Beaucoup d'effet. Mais même quand on se retrouve en quasi-situation de harcèlement sexuel par un ado de 13 ans, on n'oublie pas que c'est un pauvre gosse, et qu'il n'a pas inventé tout seul son vocabulaire et ses histoires porno. On plaint les trois filles dans une classe de quatorze, aussi ; et encore, elles ont la chance de ne pas être prise pour cibles des pulsions hormonales de ces messieurs. Et malgré ça, je trouve que ça pourrait être pire. Ils ont tous des histoires terribles (d'où la déficience comme symptôme), mais ils sont entourés par de supers adultes à l'institut. Même si les insultes sortent toutes seules sous le coup de la colère, ils les aiment. Avec moi, ils ont été sympathiques, demandeurs d'attention dans le bon sens du terme. Alors évidemment, au bout d'une heure je les trouvais déjà attachants et j'ouvrai grand mon coeur pour les y accueillir tous.
Peut-être que c'était plus facile parce que c'était des ados et que un : je suis toujours touchée par les ados, deux : c'est moins choquant d'entendre bite-couilles-chatte-sperme dans la bouche d'un ado (même s'il n'a pas encore commencé sa poussée de croissance) que dans celle d'un enfant de huit ans. Je verrai demain si je suis toujours sous le charme quand je rencontrerai les plus petits. En tout cas ce que je retire de cette journée d'aujourd'hui, c'est que je ne me suis jamais aussi peu ennuyée en observation de classe. J'aime ce bordel comme j'ai aimé Monsieur Frontal dès le premier jour parce qu'il avait fait une blague salace d'emblée en s'installant dans le bureau. J'aime la confrontation, j'aime quand il faut vraiment se frotter à l'autre plutôt que de prendre des pincettes. C'est mon côté un peu primitif. Je comprends tout à fait la maîtresse quand elle m'explique : "Je ne voulais plus de classe ordinaire avec des enfants tout bien comme il faut.". Nous sommes là pour la rencontre et pour le réel.

<< A l'endroit | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | A l'envers >>

Créer un podcast