Samedi 18 juillet 2015 à 21:49

Ainsi donc, je suis orthophoniste. Depuis presque un mois déjà sur le papier, depuis un peu plus d'une semaine dans la pratique. Tout va très vite, dans ce domaine. Mon début d'activité était déjà programmé avant que je ne sois diplômée - nous avons cette chance rarissime par les temps qui courent. Mes études se sont terminées comme elles ont commencé : la gentille dame qui m'avait accueillie à l'oral individuel du concours d'entrée a été une de celles qui m'a délivrée mon diplôme et, mieux encore, celle qui m'a donné du travail. La boucle est bouclée.
Finalement, la soutenance était une fête. Ce qui m'aura le plus marqué, c'est la bienveillance dont on m'a fait preuve. La veille et jusqu'à l'heure fatidique, de nombreuses personnes m'ont encouragées ; ensuite, les félicitations ont duré plusieurs jours, même quand je ne m'y attendais pas ; en invitant des amis à manger ou en croisant un voisin, le premier mot était "félicitations". Des gens avec lesquels je n'avais pas eu le moindre contact depuis des années, pas même un pauvre like sur Facebook, se sont manifestés. Ma famille presque au complet s'est levée à cinq heures du matin et a fait le déplacement pour assister à mon heure de gloire dont elle n'a pas pigé grand chose. J'ai été entourée de tellement d'amour pendant cette période de soutenance que j'ai oublié qu'il s'agissait d'un événement professionnel.


DSCN4660+

La photo où mon président de jury me tient la jambe et que je fais semblant d'être intéressée alors que je ne rêve que d'attraper un bâtonnet de carotte et d'arrêter de parler de choses intelligentes.

J'essaye désormais de parler au passé lorsqu'il s'agit de mes études : "on devait faire tel stage", "quand j'allais à la fac"... Quand je rencontre de nouvelles personnes, je dis "je suis orthophoniste", et je peux même dire où je travaille, ce n'est plus une question de que "qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ?". Ce franchissement de palier dans la vie d'adulte me fait le plus grand bien, même s'il m'arrive de hausser le ton le soir à la moindre contrariété, parce que la fatigue, parce que les absents, parce que le faible rapport bénéfices/dépenses, parce que le manque d'infos sur les patients, parce que les affaires du cabinet à gérer alors que je ne fais que passer pour un mois. J'ai hâte d'avoir mon propre poste, avec mes patients que je prendrais en charge depuis le début, avec l'organisation de mon choix. Le job me plaît, mais il manque quelque chose. Ce n'est pas sur mon territoire que j'évolue. J'aimerais déjà grimper d'un palier, passer au moment où je connais bien ma patientèle et mon matériel, où je n'ai pas be
soin de prendre une ou deux heures en rentrant le soir pour préparer les séances du lendemain. Mais pour cela, il faudra attendre de ne plus être remplaçante. Et avant cela, je voudrais bien des vacances. Je n'en ressentais pas le besoin avant, avec mon rythme décousu, mais maintenant j'en rêve. Je pars tôt et rentre tard par rapport au nombre de rendez-vous ; justement, les gens sont en vacances, pourquoi pas moi ? Je suis la deuxième de la promo à avoir commencé à travailler. Néanmoins, je suis contente de ne pas avoir attendu pour réaliser ma première expérience, les vacances n'en auraient pas vraiment été dans cette perspective. Et même si je me plains, ça commence à venir. Les préparations prennent moins de temps, les idées apparaissent plus facilement, je commence à connaître mes outils de travail. J'ai encore quatre semaines pour apprendre à les maîtriser, et alors, quand j'aurais un travail stable, je serais moins mauvaise. Après tous les éloges suscités par le mémoire, la confrontation à la réalité fait un autre effet à l'ego. Mais je m'en sors. Il y a un an et demi, j'allais consulter un médecin pour résoudre des dysfonctionnements de mon système végétatif qui risquaient de me poser problème en situation de stress ultime : la soutenance. En fin de compte, j'ai envoyé paître le médecin, je me suis débrouillée toute seule, et je suis arrivée au point culminant de mes études sans substance médicamenteuse... et sans noeuds dans le ventre.
L'accomplissement, il est là.


Vendredi 8 mai 2015 à 11:31

J'habite sur des montagnes russes depuis quelques temps. Je l'écris pour ne pas l'oublier. Le lendemain de mon dernier article, j'avais changé d'avis, je trouvais presque que j'avais fait du super boulot. C'est comme ça tout le temps : un jour de déprime, un jour de sur-motivation. Généralement, les coups de boost sont permis par les avis des autres. Je réalise que de l'extérieur, en fait, c'est vrai que c'est pas si mal. Quand aux coups de mou, ils viennent d'une part de la flemme, mais aussi de facteurs externes, à savoir : les autres encore. Mes copines sont en train de tracer leur avenir. Elles trouvent leurs nouveaux appartements, reçoivent des offres individuelles, signent des contrats, font des simulations d'emprunt ou d'impôts. Pendant ce temps, je me monte la tête parce qu'on m'a fait croire que j'allais peut-être pouvoir subvenir à mes moyens cet été, mais en fait peut-être pas, en fait je vous tiendrai au courant quand j'en saurai plus. Alors monte l'angoisse de ne pas trouver de travail avant l'automne, et j'aimerais pouvoir régler la situation tout de suite. Sauf que ça se joue à coups de mails, d'attente, de recherche d'annonces et de jours fériés. Et le mémoire à côté de ça, les deux pauvres dernières pages de mon mémoire (et la relecture, et les annexes, et le résumé de 300 mots, et le résumé en anglais, et la fiche récapitulative...) me paraissent bien dérisoires à côté des enjeux qui se profilent (les enjeux ne se profilent pas, mais je ne vais pas passer dix minutes à trouver le verbe adéquat, je ne suis pas sur un texte officiel, merde). J'en ai marre marre marre marre marre. Je veux pouvoir donner une réponse quand on me demande ce que je vais faire après le diplôme. Ne pas savoir où j'habiterai en novembre, c'est encore autre chose. Tout vient à point. Mais ne pas savoir ce que je fais entre juillet et novembre, c'est bien plus dramatique. J'ai ai marre qu'on me pose des questions sur mon avenir (bonjour et bienvenue de retour en terminale), j'en ai marre d'avoir d'autres priorités, j'en ai marre des abrutis qui hurlent dans ma rue à toute heure du jour et de la nuit, j'en ai marre qu'on sonne chez moi à minuit pour entrer dans l'immeuble, j'en ai marre de l'odeur de pisse du hall d'entrée, j'en ai marre d'être enfermée et assise toute la journée, j'en ai marre que ce soit seulement presque fini, j'en ai marre de jouer au yo-yo avec ma motivation, j'en ai marre d'être dans des situations bancales quand tout est plié pour les autres.

Vendredi 6 mars 2015 à 21:24

IMG_3916+

J'ai 23 ans. S'il existe un "âge adulte", c'est 23 ans bien sûr. Voilà cinq ans que je sais que ma vie d'étudiante s'arrêtera, pour commencer une vie autonome d'adulte responsable, quand j'aurai 23 ans. C'est chose faite, et l'autonomie m'attends au bout de quelques mois.
Je ne sais pas si j'ai peur ou si j'ai hâte, en tout cas j'ignore ce qui pèse le plus lourd dans la balance. J'en ai tellement marre de cette année merdique, mais évidemment, assumer l'entière responsabilité de la prise en charge, c'est encore effrayant. A 23 ans, seule avec 70 patients, mes 70 patients. La seule chose à garder en tête actuellement, c'est que tout ce qui compte, c'est d'y arriver. En ayant pondu des pages et des pages de soupe. Alors on verra. On s'en fout, à 23 ans on a d'autres préoccupations que la vie professionnelle. C'est un âge parfait pour accomplir des prouesses et rajouter un secret dans ses cahiers rouges. 23 ans c'est aussi, d'après mes recherches, l'âge auquel il est certain que le cerveau a fini sa maturation. Je suis donc adulte et doublement adulte, avec une petite touche d'adulte saupoudrée d'adulte. Aurais-je donc vieilli de plus d'un an depuis l'année dernière ?

Jeudi 9 octobre 2014 à 14:11

Ce rythme de vie me saoule déjà profondément. Je dors trop, alors je rêve. Je ne fais rien de mes journées, alors mon inconscient fait un tas de trucs pendant la nuit. Je me réveille avec les souvenirs de mille vies passées dans le sommeil et de l'émotion plein la gorge. Souvent des cauchemars d'apocalypse, toujours des rêves de culpabilité que je pensais avoir oubliée, et bien sûr des rêves plein d'obstacles. Même mes rêves érotiques sont des rêves d'envies frustrées et non de passages à l'action.
Je me réveille avec toutes les sensations causées par des événements irréels et je passe ma journée seule devant l'écran ou le papier. Ma réalité a moins de consistance que les produits nocturnes de mon cerveau. Alors je déteste encore plus ces journées et je déteste sortir du lit à midi, quand Eric s'en va parce que c'est déjà beaucoup qu'il ait pu rester aussi tard, et commencer ma journée avec une grosse longueur de retard, des nuages gris par la fenêtre, la poubelle à sortir mais alors il faudra s'habiller, les pâles fantômes de ma nuit et un sentiment d'abandon.

Vendredi 12 septembre 2014 à 12:36

J'insiste, cette rentrée ne ressemble pas à une rentrée. Elle a de commun avec une rentrée les faits de sortir entre amis (ciné, repas au Stift, concert) et de se retrouver tous à l'école de temps en temps. Mais sept heures par semaine ! Et en demi-groupe, ce qui fait que je n'ai pas vu Martin depuis lundi, je n'appelle pas ça la rentrée. Nous passons tels des courants d'air, je n'ai même pas aperçu les 1ère année ; il a fallu aller au Stift hier soir pour voir de nouveaux visages d'étudiants tout jeunes. Oh bordel, on vieillit. C'est vendredi, il est 11:22 et j'écris un article en robe de chambre. Après avoir passé un an de vendredis horribles, manquant de sommeil, partant pour une matinée de cours et un après-midi de stage jusqu'à 20h, avec dans l'idée de retourner en cours le lendemain, le samedi matin. Mes réveils du vendredi en 3ème année étaient les plus durs de la semaine. J'avais déjà cinq jours de boulot intensif dans les dents, et je me levais en sachant que j'en avais pour plus de douze heures. Mes nuits du jeudi au vendredi n'avaient rien de reposant. Je stressais tellement de me lever dans peu de temps pour une journée interminable que j'en perdais le sommeil. Et aujourd'hui, premier vendredi de 4ème année, non je n'appelle toujours pas ça la rentrée.
Je commence à m'organiser doucement, le programme de l'année prend forme. Jusque là, tout va bien. C'est facile de tout planifier dans sa tête, ce sera autre chose de se mettre au boulot. Je n'ai pas peur de ne pas y arriver ; tout le monde y arrive chaque année, il n'y a pas de raison que ça foire. J'ai juste peur de la solitude. Je connais par coeur mon état intérieur quand il faut rester une semaine chez soi à travailler. Les semaines de révisions, c'est principalement à cause de la solitude que je ne les supportais pas. Autant j'aime profiter de petits moments seule avec moi-même, mon pyjama et une bonne série après un bon repas les soirs de semaine, autant je pète un plomb quand je n'adresse la parole à personne de toute la journée. Voilà ce qui me fait peur : je déteste travailler en autonomie, je déteste lire pour la science et je déteste rester enfermée seule chez moi pendant des jours.

<< A l'endroit | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | A l'envers >>

Créer un podcast