L'impression que mon cerveau est devenu une machine administrative. Aller en stage, partir à telle heure pour prendre tel bus, préparer les papiers pour le prochain stage, appeler lundi, répondeur, rappeler mardi, répondeur, laisser un message, rappeler mercredi, "rappelez lundi", réfléchir à l'intérêt d'un abonnement aux transports en commun, appeler des inconnus, donner des cours de soutien, comprendre le contexte familial en dix minutes d'observation, remplir le frigo, penser aux cadeaux de Noël, faire les comptes, ramener les emprunts à la médiathèque avant la date limite, ne pas oublier d'aller à la LMDE, et prendre toujours d'autres trams et d'autres bus vers de nouvelles destinations périphériques, regarder le chemin sur Google Maps puis y aller au hasard avec l'air de s'y connaître, et toujours ce temps qui passe assise à regarder par la fenêtre le paysage avancer tout seul.
Le stage étant l'élément le plus structuré de ma semaine, je panique au bout de deux jours paisibles ; "mais quel jour on est ? c'est quand que je retourne en stage ? ah, encore quatre jours". Je n'ai plus trop le temps de me demander qui je suis et ce que je veux, c'est pratique, je suis en vacances de moi-même. J'ai commencé à faire du soutien avec un garçon de 15 ans. Je ne crois pas que j'arriverai à le sauver, mais je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour essayer. J'ai mis un peu de temps à me replonger dans les maths de troisième, mais je suis ressortie de là dans un état assez proche de la délectation. C'est tellement gratifiant d'aider quelqu'un. Cela donne un sens à l'existence.
J'ai fait un tour chez Emmaüs aussi. Je n'y avais jamais mis les pieds et ça faisait un moment que ça me titillait. Je n'ai rien acheté, je me suis seulement promenée, le bus de Lingo toujours, un trajet familier. Tous ces vieux meubles qui n'ont rien à voir les uns avec les autres et qui ont déjà vécu, ça m'excite bien plus que ces magasins où l'on visite de faux appartements tout proprets, bien assortis, bien à la mode, bien carrés. Préfabriqués. Et les gens étaient beaux, c'est fou. Il y avait ce garçon, ni vraiment beau, ni mon genre, mais qui m'a lancé un regard, oh bordel, j'en ai tressailli jusqu'à ce que j'aie quitté l'entrepôt. Je crois que je deviens de plus en plus sensible aux beautés tragiques ; le beau gosse de base de l'autre soirée, il n'avait rien dans le bide, rien dans le regard. Beauté tragique, je viens peut-être de lire ça dans le Philippe Djian que j'ai commencé, mon quatrième. Je lis Djian parce que j'adore son style, mais il y a tellement plus que ça. J'aime Djian pour ses images, j'aime Djian pour ses femmes formidables et pour ses hommes amoureux, j'aime Djian pour ses personnages VIVANTS. Je ne m'en lasse pas. Vive la médiathèque. J'ai aussi emprunté un disque de Thiéfaine que je ne connaissais pas mais que je m'offrirai un jour, Défloration 13. C'est du pur Thiéfaine, et c'est rock, et y a des chansons à tomber. Enfin je suis conquise. C'est vrai, je vais vers la facilité, je prends ce que je connais et que j'aime déjà, mais à chaque fois j'ai la confirmation de mes valeurs sûres, c'est comme si je me faisais un cadeau à chaque fois, une petite private joke à moi-même, et j'ai l'impression de retrouver de vieux potes, c'est tellement bon cette familiarité, ça a un goût de coin de cheminée et de robe de chambre toute douce, c'est un peu masturbatoire, simplement une autre forme de plaisir solitaire, mais pourquoi s'en passer ?
Le stage étant l'élément le plus structuré de ma semaine, je panique au bout de deux jours paisibles ; "mais quel jour on est ? c'est quand que je retourne en stage ? ah, encore quatre jours". Je n'ai plus trop le temps de me demander qui je suis et ce que je veux, c'est pratique, je suis en vacances de moi-même. J'ai commencé à faire du soutien avec un garçon de 15 ans. Je ne crois pas que j'arriverai à le sauver, mais je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour essayer. J'ai mis un peu de temps à me replonger dans les maths de troisième, mais je suis ressortie de là dans un état assez proche de la délectation. C'est tellement gratifiant d'aider quelqu'un. Cela donne un sens à l'existence.
J'ai fait un tour chez Emmaüs aussi. Je n'y avais jamais mis les pieds et ça faisait un moment que ça me titillait. Je n'ai rien acheté, je me suis seulement promenée, le bus de Lingo toujours, un trajet familier. Tous ces vieux meubles qui n'ont rien à voir les uns avec les autres et qui ont déjà vécu, ça m'excite bien plus que ces magasins où l'on visite de faux appartements tout proprets, bien assortis, bien à la mode, bien carrés. Préfabriqués. Et les gens étaient beaux, c'est fou. Il y avait ce garçon, ni vraiment beau, ni mon genre, mais qui m'a lancé un regard, oh bordel, j'en ai tressailli jusqu'à ce que j'aie quitté l'entrepôt. Je crois que je deviens de plus en plus sensible aux beautés tragiques ; le beau gosse de base de l'autre soirée, il n'avait rien dans le bide, rien dans le regard. Beauté tragique, je viens peut-être de lire ça dans le Philippe Djian que j'ai commencé, mon quatrième. Je lis Djian parce que j'adore son style, mais il y a tellement plus que ça. J'aime Djian pour ses images, j'aime Djian pour ses femmes formidables et pour ses hommes amoureux, j'aime Djian pour ses personnages VIVANTS. Je ne m'en lasse pas. Vive la médiathèque. J'ai aussi emprunté un disque de Thiéfaine que je ne connaissais pas mais que je m'offrirai un jour, Défloration 13. C'est du pur Thiéfaine, et c'est rock, et y a des chansons à tomber. Enfin je suis conquise. C'est vrai, je vais vers la facilité, je prends ce que je connais et que j'aime déjà, mais à chaque fois j'ai la confirmation de mes valeurs sûres, c'est comme si je me faisais un cadeau à chaque fois, une petite private joke à moi-même, et j'ai l'impression de retrouver de vieux potes, c'est tellement bon cette familiarité, ça a un goût de coin de cheminée et de robe de chambre toute douce, c'est un peu masturbatoire, simplement une autre forme de plaisir solitaire, mais pourquoi s'en passer ?