C'est tellement bon d'apprécier la solitude. Tout est simple ; louer une camionnette ou enfiler un cuir pour aller voir Doriane en concert. Plus que deux nuits à tirer dans le vieux creux qui me sert de lit et me trouve toute courbaturée au réveil. J'ai marché cinq minutes et Doriane était là, entourée de garçons en blousons à patchs, vieux jean couleur délavée. La première partie a joué de l'accordéon les seins à l'air, personne n'a cillé, normal. Le Molodoï était en version "petite scène", et on fumait dans la salle à ma grande surprise, et des joints d'une longueur que je n'avais encore jamais vue. J'ai eu ma bière gratuite backstage - j'ai bu une bière, mais que m'arrive-t-il ? -, cet ancien hangar a vraiment du potentiel. J'aime beaucoup le nom, Molodoï, on dirait un cocktail. Doriane et son groupe, Dead Ramones, sont passés en deuxièmes, et c'était excellent. Il y a deux ans, lors de notre rencontre, elle n'avait jamais chanté ni touché une basse, et la voilà en tournée avec son mec et un pote, avec des compositions originales. Rien que pour ça, j'aurais pu aimer. La musique m'a plu, c'était moins garage que ce que j'avais imaginé. La foule semblait apprécier, ne parlons même pas du premier rang. Et sans nichons à l'air. J'étais sourde à la fin. Supporter le volume sonore du hardcore du troisième groupe, avec growl à l'appui, n'a pas été simple même en pensant professionnellement au larynx du chanteur. Déformation professionnelle. L'image de mes cellules ciliées se grillant l'une après l'autre sous les enceintes me poursuivait. Après tout, pour Metallica au Stade de France, j'étais très très loin de la source sonore. Le batteur de DR m'a spontanément apporté des bouchons, c'était attentionné. J'avais un peu oublié ce que c'était, les petites attentions. Doriane fumait, et fumait, et je lui piquais sa clope juste pour le goût, pour le souvenir, c'était bon. Je repensais à ces groupes que nous étions allées voir ensemble, les veines plus ou moins chargées d'alcool, dans la cave du Maquis ou à la Rodia, et je me disais, aujourd'hui ma copine est une rock'n'roll star, et waouh. La vie est vraiment simple, en fait.
La nuit, mesdames et messieurs, la nuit.
La nuit, mesdames et messieurs, la nuit.