J'ai commencé un nouveau stage dans un Institut Médico-Educatif (une école pour enfants handicapés, si vous préférez). Ces instituts sont très répandus mais j'ai eu du mal à en trouver un qui puisse convenir comme lieu de stage. Après avoir passé en revue les IME déficience légère, les IME déficience profonde et les IME autisme, j'ai choisi par défaut le seul de ma zone géographique qui soit pourvu d'une orthophoniste. Ca m'arrangeait bien, c'était un IME déficience légère à moyenne, ma préférence. J'imaginais des enfants trisomiques de bon niveau et d'autres gentils gamins comme G. que je voyais en libéral. Juste avant que je ne commence, j'ai appris que les enfants de cet IME n'étaient porteurs d'aucun syndrome, aucun handicap visible, mais d'une déficience mentale qui serait plus un symptôme qu'un trouble. Déjà là, j'avais un peu de mal à situer la chose. Quant aux troubles associés (oui parce qu'un seul handicap ça ne suffit jamais), on m'a parlé de troubles du comportement style agitation. Je visualisais donc des gosses d'aspect ordinaire mais avec une immaturité motrice et une incapacité à tenir en place. En fait, je ne pensais pas du tout qu'agitation était synonyme de nique ta mère. Ces gosses-là, ce sont ceux qu'on voit dans les films sur les enfants difficiles, mais avec un QI faible en supplément. La classe bruyante, les insultes qui fusent, les propos vulgaires... vous visualisez le tableau. Et pourtant, je trouve que ça va. Quand tu as 14 ans, des carences en tout genre, un potentiel intellectuel assez bas et des troubles du comportement, faut pas s'étonner que les hormones fassent de l'effet. Beaucoup d'effet. Mais même quand on se retrouve en quasi-situation de harcèlement sexuel par un ado de 13 ans, on n'oublie pas que c'est un pauvre gosse, et qu'il n'a pas inventé tout seul son vocabulaire et ses histoires porno. On plaint les trois filles dans une classe de quatorze, aussi ; et encore, elles ont la chance de ne pas être prise pour cibles des pulsions hormonales de ces messieurs. Et malgré ça, je trouve que ça pourrait être pire. Ils ont tous des histoires terribles (d'où la déficience comme symptôme), mais ils sont entourés par de supers adultes à l'institut. Même si les insultes sortent toutes seules sous le coup de la colère, ils les aiment. Avec moi, ils ont été sympathiques, demandeurs d'attention dans le bon sens du terme. Alors évidemment, au bout d'une heure je les trouvais déjà attachants et j'ouvrai grand mon coeur pour les y accueillir tous.
Peut-être que c'était plus facile parce que c'était des ados et que un : je suis toujours touchée par les ados, deux : c'est moins choquant d'entendre bite-couilles-chatte-sperme dans la bouche d'un ado (même s'il n'a pas encore commencé sa poussée de croissance) que dans celle d'un enfant de huit ans. Je verrai demain si je suis toujours sous le charme quand je rencontrerai les plus petits. En tout cas ce que je retire de cette journée d'aujourd'hui, c'est que je ne me suis jamais aussi peu ennuyée en observation de classe. J'aime ce bordel comme j'ai aimé Monsieur Frontal dès le premier jour parce qu'il avait fait une blague salace d'emblée en s'installant dans le bureau. J'aime la confrontation, j'aime quand il faut vraiment se frotter à l'autre plutôt que de prendre des pincettes. C'est mon côté un peu primitif. Je comprends tout à fait la maîtresse quand elle m'explique : "Je ne voulais plus de classe ordinaire avec des enfants tout bien comme il faut.". Nous sommes là pour la rencontre et pour le réel.
Peut-être que c'était plus facile parce que c'était des ados et que un : je suis toujours touchée par les ados, deux : c'est moins choquant d'entendre bite-couilles-chatte-sperme dans la bouche d'un ado (même s'il n'a pas encore commencé sa poussée de croissance) que dans celle d'un enfant de huit ans. Je verrai demain si je suis toujours sous le charme quand je rencontrerai les plus petits. En tout cas ce que je retire de cette journée d'aujourd'hui, c'est que je ne me suis jamais aussi peu ennuyée en observation de classe. J'aime ce bordel comme j'ai aimé Monsieur Frontal dès le premier jour parce qu'il avait fait une blague salace d'emblée en s'installant dans le bureau. J'aime la confrontation, j'aime quand il faut vraiment se frotter à l'autre plutôt que de prendre des pincettes. C'est mon côté un peu primitif. Je comprends tout à fait la maîtresse quand elle m'explique : "Je ne voulais plus de classe ordinaire avec des enfants tout bien comme il faut.". Nous sommes là pour la rencontre et pour le réel.