Une heure du matin, je m'apprêtais à me coucher, mais l'ordinateur était encore allumé. Avant de l'éteindre, je me suis connectée sur MSN. Elena était en ligne. J'ai résisté, il était tard, et j'avais déjà passé toute la journée à raconter ma vie. J'ai ouvert ma boîte mail, un commentaire, un long pavé d'Elena, j'ai cédé à la tentation et j'ai bondi sur la conversation. Elena, Elena, Elena. Je me suis couchée à trois heures. J'ai tendance à oublier qu'il y a beaucoup de gens à retrouver à Strasbourg. J'ai tendance à oublier mes camarades de terminales, pourtant, c'était ça aussi, le merveilleux du lycée. J'ai tendance à oublier que j'ai aimé ces gens.
Elena qui sautillait toujours gaiement. Elo qui riait tout le temps. Lauriane qui me faisait participer à ses travaux d'arts plastiques et qui partageait un bout de chaise avec moi quand nous tanguions à l'anniversaire de Juliette sous l'effet du punch. Sabsou qui dansait avec nous ce soir là. Malher et Stéphane qui égaillaient les cours de maths, nos communications en lettres grecques, les goûters après le sport et les délicieux Chocobits. L'heure de creu du vendredi de onze heures à midi où je rejoignais tout ce petit monde au CDI ou en salle de travail. Après un an d'observation j'étais complètement moi-même avec ces gens-là. Je racontais beaucoup de conneries. Je me vois encore, traversant l'immense couloir du deuxième étage pour rejoindre la salle de chimie, clac-clac sur le carrelage, les filles étaient déjà là et m'ont observée sur tout le trajet, nous avons ri avant que je n'arrive au bout. La soirée à Châtel pendant laquelle, perchées sur un des lits superposés de ma chambre, Elena et moi avions parlé pour la première fois de nos secrets respectifs. Cette semaine de folie où nous poussions de petits cris de joie quand nous nous croisions sur les pistes ou dans le châlet dans des tenues improbables, le jeudi soir où nous marchions dans les rues en chantant des chansons des Doors avant d'aller danser en boîte. Plus j'y pense et plus les souvenirs me reviennent. Pour rien au monde je ne dois les laisser filer.