Mardi 8 juin 2010 à 22:42
Si je résumais, je pourrais dire que mes TP-bacs ne se sont pas parfaitement bien passés, mais qu'au moins j'ai eu la chance de ne pas tomber sur les sujets que j'avais (par erreur) oublié de réviser, ni sur ceux que je n'avais pas compris/cherché à comprendre - rayer la mention inutile -, ni sur de la chimie qui aurait nécessité que je fasse la vaisselle avec un pansement au bout de mon pouce gauche ensanglanté. Je dirais aussi que l'épreuve s'est terminée à midi trente-cinq, du coup je n'ai quasiment pas eu de pause avec les autres, à part le temps de manger avec Céline et de discuter vite fait des TP avec Diane. Puis je me suis retrouvée seule. Et ça m'a tapé franchement sur le système de venir au lycée et de ne voir personne. J'ai planté ma tête dans mes bras jusqu'à ce que Benoît me propose d'aller faire un tour. J'ai sorti mes yeux explosés et tout barbouillés de noir, qui ont séché dans le vent. Je ne les ai pas essuyés, tant pis. Benoît m'a parlé du nouveau privilège qu'il venait d'acquérir en jouant de l'orgue à un mariage dans la collégiale de notre bon vieux Thann.
Finalement je ne vais pas résumer (mais ça je le savais depuis le début). Quand la question s'est posée de pousser la promenade plus loin ou non, Benoît a proposé :
- Si t'es d'accord, moi ça me dirait bien de...
- ... aller à la collégiale et jouer de l'orgue ? Super, on y va !
Et c'est comme ça que nous nous sommes mis en chemin pour une des merveilles de Thann, pays béni, en priant pour qu'il obtienne effectivement les clés. Ca ajoute tout de suite quelque chose au paysage de marcher vers la collégiale en sachant qu'on va y entrer et monter à la tribune. Il fallait d'abord passer par le presbytère pour récupérer les clés. Sauf que la gentille dame qui assurait la permanence (et qui n'avait pas de bras gauche, soit dit en passant) ne possédait pas les clés elle-même, elle n'était que concierge, et le curé n'était ni présent, ni joignable. Heureusement, elle avait encore une information qui pouvait nous être utile : "Au crédit Mutuel d'en face, il y a notre organiste habituel, Monsieur Machin, qui travaille. Vous pouvez toujours aller voir avec lui." Et voilà comment nous sommes partis à la recherche d'un organiste dans une banque en vue de récupérer une clé. Pendant tout ce temps je n'ai pensé qu'à William Burns. Le pompon, c'était le design du Crédit Mut. J'ai cru que je changeais de monde quand j'ai passé les portes (le grand hall donnait beaucoup plus l'impression d'être dans un centre commercial en ville que dans une vieille maison dans le quartier historique de Thann), et quand j'ai vu l'accueil, j'ai cru que j'avais atterri dans un vieux film de science fiction. Et je n'exagère pas, c'est vraiment l'effet que ça m'a fait. A-t-on idée de créer des bureaux de cette forme, surtout quand la madame qui est assise dedans a une tête toute ronde et un maquillage un peu trop prononcé ? Enfin, toujours est-il que quand Benoît lui a dit qu'il voulait parler à Monsieur Machin, et qu'en fait c'était à propos d'une clé pour l'orgue, la dame a dit "Oui" comme si c'était un des services habituels proposés par la boîte. Il a fallu patienter un peu et quand on s'est dit que ça ne valait peut être pas le coup de déranger Monsieur Machin dans son travail, la dame nous a dit que c'était bon, qu'on pouvait aller dans le deuxième hall, qu'il nous attendait probablement. C'était blanc, vert, en verre, et silencieux. Monsieur Machin a placé un "Oui" tous les trois mots de Benoît, et n'a pas posé la moindre question avant de détacher la clé de son trousseau et de la lui donner. Nous sommes sortis de là en bondissant tellement c'était difficile à croire. Benoît m'a conduite dans la collégiale et a ouvert une porte minuscule qui menait à un escalier en colimaçon encore plus minuscule, et j'étais comme une gamine dans un château de princesse. Nous sommes arrivés sous les combles de la collégiale (qui ressemblaient, à cet endroit-là, au grenier de Diane), puis, après ouverture d'une autre porte, nous nous sommes retrouvés à la tribune, au pied de l'orgue, en face d'un immense Jésus, à vingt-deux mètres au-dessus du sol. Benoît a enlevé le tissus rouge du clavier, je me suis installée sur une chaise placée derrière lui sur la gauche, et il a démarré avec la célèbre Toccata de Bach (je n'ai aucune idée de comment écrire correctement Johann Sebastien). Et à partir de là, il est inutile de dire que je suis restée scotchée sur ma chaise avec un sourire béat, les mains collées à la paroi pour sentir encore mieux les vibrations, les yeux grands ouverts passant du clavier à la neffe. Jouissance auditive, j'ai défini. Mais en fait on ne peut s'arrêter à la simple idée d'audition puisque les vibrations pénètrent tout le corps. Je lui ai demandé New Born. Lui ai vite fait une démonstration de la mélodie avec l'orgue en mode silencieux - si je puis dire -, puisque les bancs commençaient à accueillir quelques dames d'un certain âge. Puis il a envoyé New Born à cinq claviers résonner contre les murs de la collégiale, et ça, je peux vous le dire, c'était un moment vraiment extatique. Benoît a joué un dernier morceau, puis l'heure de partir est arrivée, et il commençait à y avoir vraiment beaucoup de monde en bas. Nous avons redescendu les escaliers en colimaçon de château fort, avons fermé la porte a clé derrière nous, en tournant le dos aux gens amassés dans l'église. Nous sommes sortis aussi vite qu'il l'était décemment possible, sans un regard vers l'intérieur. Sitôt de retour à l'air libre, nous avons détalé comme des lapins en riant.