Troisième jour de prépa médecine pour mes trois Strasbourgeoises. A chaque fois que je fais un des gestes quotidiens à la maison, je m'imagine en train de le faire dans mon studio à Besançon. Et je pense à Chloé, Diane et Léa qui vivent en plein dedans depuis trois jours et qui ont commencé à se gaver de sciences. C'est bizarre, pour moi les sciences sont restées là où je les ai laissées ; au lycée. Ces mêmes sciences qui m'ont permis d'avoir une mention très bien au bac parce que j'ai eu 19 en physique-chimie et en SVT, je ne devrais normalement plus y toucher. Et c'est d'autant plus étrange que trois de mes cinq meilleur(e)s ami(e)s vont continuer à les pratiquer à haute dose, à un rythme bien plus soutenu que celui de la terminale S. Chaque jour, il y a des aléas de la cohabitation familiale qui me font penser : "Vivement que je me casse.". Et si les discussions de cinq minutes avec ma grand-mère sur l'existence de différentes sortes de biscottes me font bien marrer, j'aimerais bien qu'on me lâche la grappe un peu. Mon grand-père a dit : "Toutes façons tu verras bien par l'expérience, le jour où t'auras oublié d'acheter le pain et que t'auras pas de biscottes, tu sauras qu'il vaut mieux en acheter !", et je suis tellement tellement tellement d'accord avec lui. Laissez-moi tester, penser par moi-même et me planter pour mieux être avertie. Ca nous amuse et nous énerve à la maison, que ma grand-mère veuille penser à tout ("J'ai fait une liste : éponges, déodorant..."), comme si je n'avais pas déjà des parents qui savent de quoi on a besoin quand on déménage, et comme si je n'avais pas moi-même un cerveau pour penser à emmener mon nécessaire de survie (oui parce que c'est vrai que la brosse à chiottes ou le gobelet pour mettre la brosse à dent, j'y aurais peut être pas pensé tout de suite, mais après quand tu te ballades dans Babou tu vois plein de trucs qui te paraissent utiles, sauf que t'as pas de four alors tu peux oublier le moule à tarte). Mais le plus drôle, c'est que ma grand-mère a un frère (à vrai dire elle en a même trois mais il n'y en a qu'un qui est célibataire et qui nous donne souvent des sous), qui a décidé aussi de s'impliquer dans mon déménagement. Il nous a donc payé le frigo, et m'a filé des boîtes de conserves et des soupes en sachet, pour que j'aie quelque chose à manger. Non c'est vrai, s'il n'avait pas prévu le coup, je n'aurais jamais pensé à m'acheter de quoi manger. Quand je lui ai téléphoné pour le remercier, il m'a dit aussi de regarder s'il y a une boulangerie et un supermarché dans le coin. Je lui ai dit gentiment que comme j'habite au centre-ville, j'aurais l'embarras du choix. Non mais c'est sûr que je me serais pas doutée que je devrais faire les courses des fois. Et ma grand-mère, hilare, de me raconter qu'il lui a demandé si je savais cuisiner, qu'il lui a dit de m'apprendre à cuisiner, et aussi qu'il avait mis un sachet de soupe au format familial pour que ma mère la prépare, qu'on goûte ensemble et que je décide si ça me plaît. Ma grand-mère rit : "Je lui ai dit yo* Albert, arrête maintenant ! Ah, il est incroyable. Mais c'est mon frère, il a toujours été comme ça.". Je ris avec elle mais j'ai envie de lui dire qu'elle fait la même chose, à cela près qu'elle fait quand même assez confiance à mes parents pour me donner de quoi manger, et que je suis son unique petite fille, et non pas une des ses nombreuses petites nièces. Enfin, je dis tout ça. Ca nous énerve d'être pris pour des incapables, mais on est quand même sacrément contents d'être entourés de gens qui se soucient de notre bien-être. Sûr que j'ai eu du bol, entre les meubles et la vaisselle de récup', les grands-parents qui prennent en charge l'abonnement téléphonique et internet, le grand-oncle qui nous offre le frigo, et ce n'est pas moi qui paye le loyer de ma poche, ce qui n'est pas le cas de tout le monde.
* yo : interjection alsacienne qui se glisse n'importe où et qui n'a rien à voir avec le yo genre wesh. En plus j'ai vu La Haine de Mathieu Kassovitz hier soir. On a rigolé quelques fois, et puis on est restés cloués sur le canapé à la fin. "C'est pas la chute qui est difficile, c'est l'atterrissage." Et en plus on avait regardé Slumdog Millionnaire juste avant, ça a pris mon père comme ça, de me proposer de regarder le film suivant. Ca c'est quand même cool.