J'ai l'impression d'être devenue vieille. J'ai vraisemblablement mûri depuis quelques mois, vu qu'en ce moment on n'arrête pas de me dire que je fais beaucoup plus jeune sur les photos de cet été, mais ce n'est pas de ça que je parle. Je parle de mon mode de vie de déjà-vieille. Où sont les sorties incessantes de cet été, la vie nocturne, l'alcool, le tabac, les rencontres, les hommes, les amis d'amis acceptés si facilement, la dépravation, les plans improvisés, la liberté ? Okay, ce n'est plus les vacances, et les cours, stages et révisions occupent la grosse majorité de mon temps. Mais il reste les weekends, il reste les soirées. J'ai fait plus de rencontres dans ma promo que cet été, et j'adore vraiment certaines personnes. Mais voilà où nous sommes vieux : nous passons nos vies ensemble, mais dans cette vie nous ne voyons jamais le moindre rebondissement. En dehors des cours, nous nous voyons au moins une fois par semaine en groupe nombreux, et presque tous les jours en plus petits comités. Mais nos soirées, fussent-elles à thèmes, ne changent jamais vraiment ; nous nous retrouvons toujours chez l'une ou chez l'autre, nous buvons raisonnablement, nous partons tôt, et à part de temps en temps un coloc' ou le copain d'une d'entre nous, notre assemblée est désespérément féminine. Et cela commence à se ressentir.
Emerge doucement le besoin de briser cette routine, d'aller vers l'inconnu, vers la découverte, d'avoir une vie étudiante digne de ce nom. Mais quelque chose tapi au fond de moi m'en empêche. A chaque fois qu'on me propose des solutions pour sortir et rencontrer du monde, je me dérobe. Je n'ai pas envie. J'imagine les scènes et celles-ci me déçoivent. Non seulement je suis devenue pantouflarde, mais je suis aussi plus exigeante que jamais. Enfin merde, cet été je suis tombée totalement par hasard sur le mec qui me convenait le mieux au monde, comment pourrais-je faire mieux que ça ? Je passe mes journées, mes cours/mes repas/mes pauses cafés/mes soirées/mes weekends avec une bande de gens plus vieux que moi, intelligents, cultivés, drôles, critiques, ayant le même but que moi, avec lesquels je peux parler de tout, avec lesquels je ne passe que de bons et très bons moments... et j'ai peur que les nouvelles personnes à rencontrer ne soient pas à la hauteur. Voilà mon problème : en amour comme en amitié, j'ai placé la barre très, très haut. Et rien qu'à observer les hommes dans la rue, je les trouve toujours trop jeunes/trop vieux/trop maigres/trop gros/trop lookés/trop décontractés/pas assez bruns/pas assez pourvus de sourcils/trop casés ; et quand je m'imagine faire des rencontres amicales avec des gens de tous sexes, je crains de les trouver trop différents/trop politiques/trop artistes/trop sportifs/trop gentils/trop frimeurs/trop passionnés/trop passionnants/trop incultivés/trop expérimentés/pas assez intéressants/trop sérieux/pas assez sérieux/trop superficiels/trop roots/trop inaccessibles.
Dire que je suis exigeante est un euphémisme. En vérité, je suis en plein milieu d'une grosse phase d'intolérance. Où c'est à peine si je me tolère moi-même.
Heart drowning, suffocating,
Your face reminds me I'm still breathing,
And losing the rest of who I am.