Samedi 26 mai 2012 à 11:11

Cette semaine, je mange italien, parce qu'avec le retour des tomates et des aubergines, je peux enfin mettre en pratique les recettes de l'Italie de Jamie. Et puis surtout, faire la cuisine est à peu de choses près ma seule distraction autorisée pendant mes révisions. Enfin, cela devrait, en théorie. Mais en pratique, je ne révise pas du tout aussi efficacement qu'au premier semestre. En même temps, en février c'était facile, il neigeait, le vent de Sibérie arrachait les trottoirs ; j'étais plutôt satisfaite de rester cloîtrée chez moi. Alors que cette semaine :
1) Il fait beau et chaud, ce qui donne l'impression d'être déjà en vacances et l'envie de sortir.
2) Il fait jour longtemps, d'où l'impression que les journées sont plus longues, passent plus lentement, et que j'ai plus de temps pour réviser.
3) La neurologie est un puits sans fond.
4) L'année dernière à la même époque, je vivais la semaine de ma vie.
Comment ne pas y penser, surtout aujourd'hui, le 26 mai ? 26 mai 2011, le jour qui dura trois jour, une date dont je risque de me souvenir toute ma vie. Le soir du 26 mai (le VRAI soir du 26 mai, pas le 25 au soir ou le 27 tôt le matin), je me suis présentée et quand j'ai dit que j'allais entrer en école d'orthophonie, j'ai déclenché une machinerie infernale : Mathieu s'est montré plein d'intérêt pour moi. Depuis ce jour, je n'ai pas réussi à m'en défaire. D'abord parce qu'il a usé de tous ses moyens pour que je lui accorde mon attention, puis mes sentiments. Ensuite, parce que depuis sept mois qu'il m'a quittée pour la médecine, je n'ai jamais complètement cessé de penser à lui. Et aujourd'hui, c'est le 26 mai, et je repense à toute cette histoire faite de hasard, et je sais que la raison invoquée pour y mettre fin n'aura plus lieu d'être dans une semaine, après l'examen classant national. Et cela n'y changera rien.
Et il faudrait se concentrer sur la neuro, la linguistique, l'audition, la pédopsychiatrie et la psychologie ?

Et c'est là qu'intervient la cuisine. Pour ne pas se laisser dépérir.

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Mercredi 23 mai 2012 à 21:32

Je reviens épuisée de mon stage en milieu scolaire. Ce n'était pas le premier et ce n'est pas le dernier, je fatigue déjà rien qu'à l'idée de rédiger cinq rapports de stage qui relateront tous des observations à peu près similaires et à peu près peu constructives. J'ai eu la bonne idée de réaliser assez tôt que l'enseignement n'était pas fait pour moi, et cela fait un moment que je me demande comment font encore les gens pour avoir envie de devenirs profs. Mais aujourd'hui, je suis plus proche du milieu que jamais, je vois ce qu'il y a derrière, les coulisses, les ficelles qui sous-tendent la face publique de l'Ecole. En décidant de faire un stage en RASED l'année même de son démantèlement, je me suis retrouvée au coeur de la politique de suppression de postes de l'Education Nationale, et franchement, c'est pas joli-joli. Allez, on le sait depuis longtemps, que l'école va mal, mais depuis des années que j'en entends parler, j'ai l'impression qu'elle ne touche jamais le fond. Elle continue de tomber plus bas, toujours plus bas.
Le système est malade, pourri, sclérosé, et les élèves sont les derniers dont on se soucie en haut lieu.
Pour ne rien arranger, eux non plus ne se soucient plus d'être des élèves, parce que cela ne fait pas partie de ce que leurs parents leur apprennent. L'école ne semble plus avoir d'intérêt pour personne, sauf pour les enseignants qui s'aigrissent, vieillissent, deviennent laxistes ou intolérants, ou déprimés.
Spectatrice impuissante, aigrie et déprimée à mon tour, j'espère que la dégringolade s'arrêtera un jour. Ceci est une vision pessimiste, réaliste, exagérée et sincère de l'école dans notre beau pays de France aujourd'hui. Je ne peux l'étayer avec aucune preuve, par discrétion. Cela fait maintenant vingt minutes que je cherche à conclure cet article après le mot "déprimés", et que je me demande si je vais le poster, oui ou merde, et que je frotte mes ongles les uns contre les autres en un tic insupportable, avec une envie furieuse de brûler tous mes cours de neurologie, de linguistique et de psychologie à deux balles, histoire de résoudre mon problème de révisions-qui-n'avancent-pas-parce-que-depuis-que-je-suis-sortie-de-stage-je-ne-rêve-que-d'une-chose : de vacances.

Jeudi 19 avril 2012 à 14:16

Je n'ai pas mis les pieds à Besançon depuis le 9 octobre. Cela fait six mois que je dis à Ségolène et Doriane que je ne me sens pas capable d'y retourner si je ne peux pas y voir Mathieu, qu'il faudra que j'attende qu'il soit disponible. En fin de compte, le mois de juin arrive assez vite. Mais en fait, je ne veux plus attendre. Besançon, c'est toujours chez moi. Monsieur m'a peut-être bannie de sa vie, mais pas de ma ville. Et finalement, il ne représente qu'une infime partie de ce que j'ai vécu là-bas. Le moment est venu où je sais que je n'ai pas envie de le voir, mais que par contre je meurs d'envie d'arpenter les rues que je connais si bien, de retrouver le ciel et les arbres et les collines et la rivière-fleuve, et de revoir Ségo. Et de prendre le bus 8 direction Campus, de regarder True Blood dans la maison de 9m², de sortir là où je sais qu'on va s'amuser, de recroiser les habitués du Bodega qui avaient fini par me reconnaître même si je ne dansais pas, de retrouver la pierre blanche-grise des immeubles pas très hauts, de savoir où on peut acheter quoi, et les paninis du parc Granvelle, et toutes les autres conneries, et les places et les bancs en forme de fleurs, et le soleil, toujours le soleil.
Dans 9 jours, j'y retourne.

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Mars 2011, sous la citadelle. Un jour, j'étais blonde.

Vendredi 13 avril 2012 à 13:35

Voilà, ça y est, j'ai à nouveau une réputation d'obsédée auprès de mon cercle privé. C'est cool, j'aurais tenu sept mois avant que le naturel ne revienne au galop.

Je saute une ligne qui correspondrait à l'oral à un silence accompagné d'un regard affligé. Il faut dire que je ne l'ai pas volé ; "on a la réputation qu'on mérite". Mais en même temps, c'est insupportable de faire semblant d'être prude, ou même seulement timide, ou encore non-concernée par la question. Maintenant qu'on commence à se connaître vraiment bien, je ne cherche pas à leur cacher ma vraie nature (à mon cercle très très privé seulement, bien sûr. Enfin quoi que...). Et puis je parle trop, il faut le dire. Dans un cours de psychanalyse sur les pulsions, c'est foutu, je ne peux pas me la fermer. Il faut toujours que je rattrape la situation avant qu'elle ne dérape et que j'aie l'air de la fille qui a tout vu, tout fait, et qui s'en vante. Alors évidemment, je ne suis pas la seule à raconter des conneries. Il suffit de quelques phrases (par exemple conclure un moment de gloussement général à l'évocation d'acteurs torses nus en assénant la triste vérité que personne n'ose énoncer : on est des "pauvres meufs qui ont pas vu un homme nu depuis mille ans") et d'une rose de Jericho sur le mur pour que les amis se tournent vers moi d'un air taquin dès que le sexe entre un tant soit peu dans nos sujets de conversations.
Bon, je suis en train d'écrire complètement n'importe quoi là, je m'exprime pas de manière très claire. Mais enfin si vous avez compris l'idée, on peut passer à un autre sujet. Puisque justement, je suis en train de retrouver une situation dont j'avais l'habitude à une autre époque, avec d'autres personnes, parlons-en, des nouvelles habitudes. C'est un truc qui me fascine, quand on commence à se créer des petites habitudes agréables. Par exemple, le rituel du café. Depuis cette année, il ne se passe pas un jour sans qu'on aille chercher notre petit café à la machine après manger, voire également à la pause du matin quand le démarrage est difficile, ou à la pause de l'après-midi quand on doit encore tenir éveillé jusqu'au bout. Je me suis habituée au point d'avoir besoin de ma propre cafetière à l'appart', parce que ce n'était plus possible de boire du thé après le déjeuner ("déjeuner", tiens, voilà un mot tout à fait normal qui pourtant ne figurait pas dans mon vocabulaire il y a quelques mois). Et je me retrouve à prendre un plaisir fou à inviter mes amis à prendre le café, à savoir qui ne prend pas de sucre, qui ne prend pas de café du tout, et à les voir prendre leurs aises. "J'ai un nouveau café, vous voulez le même que d'habitude ou un moins fort ?" "Ah non non, le même que d'habitude.". Juste parce qu'ils connaissent mon café et qu'ils l'apprécient, je jubile. Et je jubile d'autant plus quand je vois les gens passer de debout, à une chaise, à vautrés sur le lit. C'est complètement niais, mais j'aime la familiarité et j'aime quand elle se voit au quotidien dans de petits détails.
On en arrive au moment où je suis assez contente parce que je viens d'écrire pour la première fois quelque chose qui me paraît un des principes fondamentaux mêmes de mon existence relationnelle. 

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Vendredi 30 mars 2012 à 13:07

Oesophage-boogie-cardiac-blues, songer un instant à s'enfuir et essayer de réfléchir à un moyen de calmer l'angoisse. Se rappeler soudainement, merde, j'ai complètement oublié la litanie Bene Gesserit contre la peur. Passer les deux heures et demi de linguistique à chercher dans sa mémoire et à en rassembler les bouts.

Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien.
Rien que moi.

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