Cette bouteille de rhum sur ma table de chevet. J'ai débarqué en cours d'anglais avec une heure et demi de retard, comme une fleur. Malgré seulement quelques minutes de sommeil derrière les paupières, et la faim tenace qui me collait au ventre, je débordais d'énergie. Un air béat complètement improbable scotché au visage, une démarche de reine. Je me sentais grande, et belle, et lumineuse. La preuve m'en a été donnée par les regards s'accrochant à mon sillage. J'ai souvent lu que les femmes comblées se remarquaient à leur allure. Ce ne doit pas être qu'une légende.
Mardi 30 octobre 2012 à 19:52
Ils appellent ça des vacances ; j'appelle ça une perte de temps. C'est toujours la même chose, surtout à cette époque de l'année. C'est toujours à la rentrée qu'on part sur de nouvelles bases, ce qui ne veut pas dire qu'on évolue vers le positif : dans "nouvelles bases", rien n'indique qu'elles seront meilleures que les précédentes. Voilà comment on embobine les gens, en leur faisant prendre un adjectif pour un autre. Il a peut-être neigé l'autre jour, il n'empêche que pour moi c'est encore la rentrée. L'été n'est pas si lointain. Un monde parallèle. Je suis allée acheter mes légumes bios à deux rues de chez mes parents, c'était étrange de faire des courses la nuit. En ville c'est tout ce qu'il y a de plus normal - mon U Express ferme à 21h et j'en profite bien -, mais ici, dans le village mort, cela me semble paradoxal. Les vieilles rues sont noires, les lampadaires n'apportent que quelques nuances de gris, quand ils apportent quelque chose. Aucun éclairage dans la pente. Je m'enfonce dans la nuit. La nuit est différente à la campagne ; en ville, elle est réchauffée de lueurs oranges, douce, caressante. Mais à Sentheim, la nuit absorbe tout. On y pénètre vraiment, et cette nuit-là est froide. Je n'en ai pas fini avec ma nuit. J'ai presque terminé le Voyage au bout de, mais évidemment j'ai oublié le livre chez moi pour les vacances. Je dois me retenir de corner toutes les deux pages, c'est tellement plein de vérités et de tournures fantastiques, ça me prend aux tripes, je ne m'y étais pas attendue. Cette lecture est un corps-à-corps essoufflant. Je m'y suis mise exactement au bon moment. Fugitive de ma propre tête, toujours. Il y a certains points sur lesquels je n'ai pas changé, je passe toujours par ces périodes où mon corps est trop étroit pour me contenir. Mon esprit est corrompu, à force de vouloir maîtriser ce que je ressens, et d'y arriver. Perpétuel combat entre ma volonté et ma vérité. Emotions censurées j'en ai plein le container. J'ai appris à ne pas éprouver certaines choses, et évidemment, tôt ou tard, tout se paye.
Lundi 15 octobre 2012 à 20:07
Un lundi après-midi de cours. Voilà tout ce que j'en retiens.
<< Il fait trop chaud ici.
- Mais dehors il fait froid.
- Chez moi aussi il fait froid.
- Je crois que je fais une déprime hivernale.
- Déjà ? >>
A subir un rythme tout pourri, on en finit par perdre toute motivation. On arrive mou et on repart tout aussi mou avec un mal de crâne en prime. Une heure de battement et aucune discussion vraiment intéressante. Il faut que j'arrête de me plaindre des gens lunatiques, je suis exactement pareille, voyons la vérité en face. Je n'ai pu raconter mon rêve effroyable de cette nuit à personne. Je pensais l'oublier en me rendormant mais je me souviens de toute la trame. Violente. Il y a des songes dont on ne peut pas rejeter le message inconscient.
<< Allez-y servez-vous, prenez ce que vous voulez.
- C'est quoi ça ?
- Des capotes. Qui se périment en décembre.
- Ah ben alors c'est même pas la peine. >>
Et qu'on ne vienne pas me demander ensuite ce que devient ma vie.
Mercredi 10 octobre 2012 à 20:10
Une angine et un maître de stage. Encore une journée d'foutue. Est-ce la fièvre ou est-ce le fait d'avoir les voies aériennes supérieures tellement serrées que je n'entends presque plus mes propres pensées, je suis triste comme un chien. Un rat mort, ce que vous voulez. J'attends la nuit sans savoir ce que je vais en faire. J'erre sur la toile à la recherche de réponses, comme si j'allais en trouver. Cette connexion du monde entier n'est qu'une illusion, et comme bien souvent, je suis plus seule que seule devant mon écran. Il est tôt, tellement tôt, j'ai encore faim, je vais dessiner peut-être. J'ai fait un dessin, il est très beau. Je pensais que je n'arriverais à rien sans modèle, mais finalement je suis assez admirative du résultat. Mais ce n'est pas ce que j'avais prévu. Je le voulais érotique, et il m'apparaît plutôt tendre. Ca ne va pas. Il n'y a pas de force, pas de tension, ni électricité dans l'air ni muscles bandés dans l'étreinte, les regards sont vides de fougue. Pâle, si pâle copie de la réalité.
Jeudi 27 septembre 2012 à 2:24
Vivement les cours, je ne vous dis qu'ça. La rentrée s'est déroulée dans la joie et la bonne humeur, suivie de deux heures de cours épatantes et follement motivantes pour la suite. On va enfin entrer dans le vif du sujet ! On va enfin se sentir un peu plus proches de l'objectif, un peu plus légitimes. Cette impression a d'ailleurs été renforcée par la rencontre avec les premières années, les nouveaux, les novices. Entre les rencontres avec eux et les retrouvailles avec les amis, avec nos lieux de vie et nos nouvelles coupes de cheveux (un sujet abondamment abordé), c'était réussi. Le 24 septembre était une journée parfaite jusqu'à la dernière heure. Mais, passé le premier cours, bam, 72 heures sans rien. On est tous là coupés dans notre élan, à se faire chier, à ne rien faire de productif. Les vacances ont été assez longues, merde. Le ciel est bas, plus gris que mon humeur, la nuit toute la journée. L'humidité vile et les talons en sang dans les nouvelles baskets, impossible de faire un pas de plus. Et je suis là entre mes quatre murs trop vides, seule dans ma tête. Même en présence de mes amis je suis seule dans ma tête. Je n'ai qu'une seule personnalité, je m'ennuie un peu dans ma carcasse. J'ai une folle envie de travail, un besoin plutôt car il n'y a pas là de plaisir, histoire de me tirer de ma torpeur, histoire de remplir l'espace dans mon crâne. Sauf qu'évidemment, si on ne m'y force pas, je ne ferais rien, et je n'ai toujours pas décroché le téléphone pour entamer la quête du maître de stage. Amorphe, je laisse couler le temps sans un geste. Je ne demande qu'à dormir pour m'oublier.
<< A l'endroit