Jeudi 9 décembre 2010 à 19:45

Aujourd'hui, pour la première fois, j'ai eu peur dans la ville. Je marchais avec Shiao Ting dans la Grande Rue - c'était la première fois que nous nous parlions - quand un type nous a dépassées en parlant. On est en plein centre-ville, il y a plein de gens sur les trottoirs, tout le monde parle, alors forcément on ne fait pas attention à ce que disent les gens que nous croisons. Puis j'ai entendu le début d'une phrase, d'une voix très désagréable : "Je sais que tu me regardes de travers, mais...", j'ai levé les yeux : le type était tourné vers nous, et derrière nous, il n'y avait personne, c'était donc à l'une de nous deux qu'il s'adressait. Nous avons continué à discuter en l'ignorant, mais celui-ci causait toujours. Je n'écoutais pas ce qu'il disait, et sa très voix éraillée ne portait pas, mais j'ai capté un "je te..." puis quelque chose qui ressemblait fortement à "et ensuite je te saigne bien". Quand il a ralenti pour nous dire : "Dans ma religion, on a pas le droit de tuer des gens.", je l'ai vraiment pris comme : "Tu as bien de la chance que ma religion m'interdise de tuer, sinon je me ferais un plaisir de t'égorger après t'avoir violée/torturée/les deux.". Puis il a continué sa route. J'ai dit à Shiao Ting : "Il me fait un peu peur, lui. Je crois qu'il a dit qu'il voulait me tuer, mais que sa religion le lui interdit." "Ah bon ?!?". Nous l'avions à l'oeil. Heureusement, il s'éloignait de plus en plus. Mais soudain, il s'est arrêté et s'est tourné vers nous. Il nous attendait. Là, c'était le moment où j'ai commencé à penser : "Jetons-nous dans le premier magasin.", mais nous passions à côté d'une petite boutique pour enfants dans laquelle nous aurions très bien pu rester coincées, avec lui nous attendant dehors. De l'autre côté de la rue, les Galeries Lafayette. Shiao Ting a eu la même idée : "Viens, on va sur l'autre trottoir, dans le magasin." et au dernier moment nous avons bifurqué. "Tu sais quoi ? On va traverser le magasin et sortir par l'autre côté." "Rue des Granges", a-t-elle complété. Et je peux vous dire que nous avons craint qu'il devine la supercherie et qu'il nous attende à la sortie.

Lundi 15 novembre 2010 à 19:21

Ce que j'ai oublié de dire, c'est que nous avons bloqué la fac de mercredi à aujourd'hui. Ce qu'on ne vous dit pas, c'est que beaucoup de facs en France, et des grandes, ont fait des blocus ces derniers temps. Ce qu'il y avait de pitoyable à l'AG de ce matin, quand il a fallu répartir tous les étudiants dans trois amphis pour pouvoir voter la reconduction, ce sont tous les gens qui ont dit : "Ce blocage est anti-démocratique, quelle autorité vous avez pour vous permettre de bloquer la fac entière alors que vous êtes cent à l'avoir décidé ?", alors que tout le monde savait que le vote du blocage avait lieu mardi dernier, tout le monde était au courant... et personne n'est venu voter. Ce n'est pas la faute de ceux qui ont voté pour si nous n'étions que 200 à l'AG pour voter la question du blocage. Si des étudiants ont été emmerdés par le blocage alors qu'ils ne sont pas allés faire valoir leur avis, par pitié, qu'ils oublient l'argument de l'anti-démocratie. La démocratie, elle dépend d'eux. L'abstention, tu l'assumes ou t'en as honte, mais alors inutile de venir pleurer quand d'autres ont décidé pour toi. Quand 109 étudiants, pour être précise, ont déclenché le blocage d'une faculté de 3000 étudiants. Tout est bien qui finit bien pour ces pauvres gens qui se sont sentis pris en otage ("Y a quand même une petite différence entre le blocage et la prise d'otage, ça s'appelle la mort." dixit un monsieur ce matin), la fin du blocus a été votée à très large majorité et les cours ont pu reprendre dès 14h. Au pire, les otages ont été amputés de deux jours et demi de cours. Mais ce qu'il y avait ce matin, outre les gens qui voulaient voter en vitesse sans discuter, et ceux qui ne comprenaient rien à la démocratie, c'était un fantastique dialogue, très intéressant, très révélateur sinon de notre société, du moins de notre communauté de fac-de-lettreux. Ce qu'il y avait ce matin, et dans les cours de l'après-midi qui ont suivi, c'était l'essence de la vérité. A la question de l'utopie soulevée par une de mes profs en dernière heure, j'ai si bien répondu qu'une fille qui avait déjà parlé -dont j'ignore le nom-, a agité les mains, signe primordial entre deux habituées des AG qui se comprennent. Dans ces moments-là, tu sais que tu as au moins compris des choses.

http://img193.imageshack.us/img193/4420/dsc05911ef.jpgPhoto par la maman de Quentin. Oui, c'est ma bouche, mais ce n'est pas une photo de ma bouche. La petite chose tout en bas vers la gauche, ça, c'est moi.

Mercredi 3 novembre 2010 à 0:27

A huit heures, c'était désespérant. Je crevais de chaud en arrivant, comme toujours, les filles était dispersées un peu partout dans l'ombre de l'escalier, ambiance lourde, sales gueules. Une première heure assez difficile, j'appréhendais bien plus la deuxième, mais en fait le cours de sémio était particulièrement intéressant aujourd'hui. Et Noémie est arrivée. Elle ne m'a pas demandé si j'avais bossé pendant les vacances, seulement si j'avais reçu mes cours, et j'ai dit que j'allais les chercher à la poste l'après-midi même. Quand elle a sorti son éternel bouquin de QCM, c'était pour reprendre à l'écrit le questionnaire que nous avions fait ensemble, le mercredi avant les vacances. Peut être qu'elle ne s'était pas trop foulée non plus pendant ces vacances ? J'étais rassurée, je craignais de devoir lui mentir, et comme j'aurais été incapable d'inventer que j'avais été ultra occupée, j'aurais du grossir le trait et mettre ma paresse sur le compte d'un réel problème psychologique. Mais elle ne m'a pas demandé. Ouf. Puis j'ai retrouvé Ségolène pour les deux heures suivantes, elle a vérifié que le dessin de Réné la Taupe était toujours dans ma trousse, je lui ai dit que je l'avais même scanné et ça lui a fait plaisir.http://img517.imageshack.us/img517/5858/ren2o.jpg J'ai retrouvé Clémence pendant sa courte pause de midi, nous nous sommes raconté l'étendu du rien de nos vacances respectives. Retour chez moi, vaisselle et aspirateur, l'appartement criait au scandale. Je suis allée récupérer mon colis du CNED entre deux cours. Il faisait beau en fin d'après-midi, et j'avais envie de pédaler un peu pour retourner à la fac, alors je suis partie plus tard que d'habitude. Tellement plus tard que je suis arrivée avec dix minutes de retard. Le prof avait l'air de trouver ça amusant, personne ne parlait : "Mademoiselle, sortez une feuille sur laquelle vous mettez votre nom et votre numéro étudiant, on fait un partiel de vingt-cinq minutes. Inventez un texte de votre choix qui contienne toutes les fonctions du langage." Par chance, ses cours à lui son bien construits, alors je me souvenais des six fonctions. J'ai commencé par celle qui me posait le plus de problème : la fonction poétique, dont le nom veut tout dire. Il était hors de question que j'invente quelque chose de poétique, j'ai vite choisi de partir d'une chanson. Chanson a déclenché Noir Désir dans ma tête, puis tout s'est enchaîné, un souvenir que rappellerait cette chanson, ce qui ferait entrer plein de fonctions, et le déclic a été immédiat, "Le Vent nous portera" et une tempête de sable en vacances à l'océan. Le mec s'appellerait Oscar, parce que Oscar du CLSH, et puis il en parlerait à sa soeur. Et bam j'ai écrit une feuille sur Oscar, la chanson et sa tempête. Sans faire exprès j'ai transformé Oscar en poète, ou du moins en romantique. J'ai jeté le tout sur ma feuille dans les dix minutes que j'avais, et j'ai rendu ma copie. Alors, le prof a trouvé ça très drôle de nous distribuer la copie de quelqu'un d'autre, de nous la faire lire et de la noter. Le premier texte était plutôt minable, la fille qui le corrigeait aussi, elle lui ai octroyé un 12, ça commençait mal. Le deuxième texte, c'était le mien. C'était le plus long, et cela posait donc un problème. Pendant tout le temps qu'a duré la lecture, j'ai discuté avec mes voisines pour ne pas avoir à tirer une tronche de circonstance. Codou, qui avait lu mon texte et devait lui attribuer une note, a dit que c'était trop beau. J'ai récolté un quinze. Presque tous les autres textes ont été des conversations téléphoniques à propos de la météo, et les gens n'osaient pas descendre sous le douze. C'était du grand n'importe quoi. Moi je croyais qu'aux partiels il fallait envoyer du lourd pour espérer réussir son semestre, ça fait deux mois qu'on nous glisse de temps en temps, sournoisement, qu'on va se ramasser parce qu'on s'en tient à ce que racontent nos profs, qu'on est trop concis. Alors bon. A la fin des lectures, nous avons demandé au prof ce qu'il fallait faire des copies. "Vous pouvez les garder en souvenir !". Tout ça pour ça. Personne n'a voulu récupérer son texte. Au moment où je quittais la salle, Codou m'a interpelée et m'a demandé avec un grand sourire si elle pouvait garder mon texte. J'ai dit bien sûr, je n'en avais pas besoin. J'étais contente. Mais ça me faisait plutôt peur. Ségolène s'est mise à parler avec l'accent québécois dans les escaliers et je n'ai rien pigé, mais c'était drôle. Finalement, c'était pas si mal que ça, cette rentrée.

Mercredi 13 octobre 2010 à 18:54

Qu'est-ce que j'aime les gens qui te disent : "J'avais prévu d'y aller aussi, si tu veux on y va ensemble", ou encore "On va vérifier dans le dictionnaire et ensuite on ira boire un coup au bar de l'U.". La deuxième phrase, elle vient d'Isaline, parce qu'on se demandait pendant le cours si le poulet qu'on mange est en fait une poule ou un coq castré (moi j'étais convaincue de l'option numéro un, elle de l'option numéro deux, et finalement le dictionnaire a coupé la poire en deux : un poulet, c'est une jeune poule ou un jeune coq). Isaline, c'est quelqu'un de vrai, que tu as envie d'apprécier dès la première rencontre. Nous sommes donc allées boire une violette à l'eau dans ce petit bar sympa juste en face de la fac, et elle m'a invitée à venir au ciné ce soir avec elle et deux de ses potes de l'UNEF. Oui, parce qu'Isaline est aussi à l'UNEF, et elle était en tête de cortège à la manif d'hier. J'y étais aussi, mais un peu plus loin de la première banderole, cela dit, quand on sait que le cortège s'étendait du pont Battant jusqu'au pont Canot, on peut dire que j'étais très à l'avant. Quinze mille personnes, selon les syndicats. Moitié moins pour la police, mais en tout cas c'est un record. Je me suis explosée la voix à brailler pendant deux heures, mais j'étais contente de le faire. Et ce moment où nous avons traversé le pont en voyant l'étendue du cortège tout le long du Doubs jusqu'à l'autre pont, je peux vous dire que c'était splendide. J'aurais aimé avoir l'appareil photo dans l'oeil. J'ai cherché un peu sur le net mais je n'ai pas trouvé grand chose. Voici quand même de quoi vous imaginer la longueur du cortège :

http://img715.imageshack.us/img715/8934/060725besancon.jpgPhoto trouvée ici
 
Et puis pour le plaisir encore ça :
http://img826.imageshack.us/img826/3425/1286893218.jpgTrouvée ici.

Si vous êtes malins, vous aurez compris que sous la flèche, c'est moi. Et oui, je suis sûre que c'est moi, parce qu'il y a Ségolène à côté, avec qui j'étais toute la journée.
Ceci dit, encore que sans trop d'émotion, je m'en retourne à mes spaghettis aux carottes, je sors ce soir.
 

Samedi 9 octobre 2010 à 16:01

http://img169.imageshack.us/img169/9773/img1985v.jpg

Cela fait quelques jours que je ne l'ai pas ramenée, c'est assez étonnant. Ca veut dire que j'étais occupée et qu'il ne s'est passé que des trucs cools depuis le dernier article, c'est plutôt chouette, hein ? J'ai de nouveau été ridicule -un peu, beaucoup ?-, mais au moins je suis parvenue à ce que je voulais. A partir de là, j'ai défroncé les sourcils. Je suis allée à la Bio-Coop avec Clémence et j'ai acheté un unique concombre. Finalement, nous l'avons mangé ensemble, en salade avec ses tomates. Nous avons chanté des petits bouts de J'accuse dans les rues aussi
. Jeudi j'ai revu Valeria la Moldave, j'ai passé deux heures avec elle dans le parc où les marronniers se faisaient tailler. Et vendredi, j'ai invité Luc pour la journée. Il faisait beau et chaud, encore plus que pendant le reste de la semaine. Repas dans un petit resto et balade dans le centre tout l'après-midi. Luc s'arrêtait devant chaque magasin, nous passions d'une boutique gothique à une boutique remplies de petites choses colorées pour les grands et les petits, puis nous avons vu le salon de thé. Nous avons pris place, il a commandé un thé aux bleuets et moi un thé des anges : miel, essence d'orange, jasmin. On nous a apporté deux grandes théières, deux petites tasses. Le thé était délicieux, la décoration du salon également, et nous sommes restés quasiment une heure pour tout boire. J'imagine que lorsqu'on entre ensemble dans les boutiques ou les restaurants, on nous prend généralement pour un couple. Si je leur disais que nous sommes de la même famille, les gens penseraient que c'est mon grand frère, mais absolument pas mon oncle. Et pourtant... Moi même j'ai du mal à le définir en tant que "mon oncle", même Yann s'est trompé une fois et a dit "notre frère, euh, notre oncle". C'est pour ça que quand nous avons croisé mon voisin, je les ai présentés comme : "Baptiste mon voisin ; Luc". Luc a ajouté qu'il était mon oncle, histoire de faire comprendre qu'il n'était pas mon mec, du coup le voisin s'est mis à le vouvoyer -Luc ne l'a pas laissé faire. C'est des fois amusant, voire pratique, qu'on nous prenne pour un couple, sauf quand tu vois que tu plais manifestement au vendeur de Maisons du Monde, qui est plutôt pas mal (la proposition relative s'applique à l'antécédent "vendeur", mais c'est vrai qu'elle peut correspondre aussi au magasin).
Nous sommes rentrés à 21:00, nous avons mangé des croissants au jambon préparés par ma-mère-sa-soeur, et quand il est parti il était déjà tard. Je me suis levée peu avant midi. Pour une fois j'ai des devoirs, en anglais. Nous avons des invités ce soir, une promenade dans les vignes est prévue demain, j'ai des projets pour lundi soir que je ne suis pas seule à nourrir, et le weekend prochain on fêtera l'anniversaire de Céline, alors il fait moche et froid mais je m'en fous.

http://img87.imageshack.us/img87/6695/img1979j.jpghttp://img63.imageshack.us/img63/512/img1973n.jpg

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