J'ai de nouveau pris le TGV. Il était cher, mais à peine plus que le TER à cette heure-ci, ah la belle arnaque de la période blanche le vendredi après-midi. J'ai failli ne pas avoir de billet, il restait tout juste une place, mais c'était évident ; autant il y a des choses qui sont vouées à foirer, autant il y a toujours des situations où il ne reste plus qu'une seule place, juste pour ma petite personne. J'étais côté fenêtre en face d'une femme, et un Allemand est venu s'asseoir à côté d'elle avec un énorme paquetage de campeur. Enfin, je dis un Allemand parce que quand la femme lui a demandé si c'était sa place, il n'a pas su répondre et a exprimé par gestes qu'il ne parlait pas le français. Sachant que c'était un étranger, je l'ai tout de suite identifié allemand, il avait une tête d'Allemand, ça ne pouvait pas être autre chose. Après la moitié du voyage, la femme en face m'a demandé si j'avais du dentifrice et comme je n'en avais pas, elle lui a demandé à lui et il a répondu : "I don't understand.". Nous avons alors réfléchi à la traduction anglaise de dentifrice, puis je lui ai demandé s'il était anglais, "No, I'm German.". Je ne lui ai pas dit "Je le savais !", pour la bonne et simple raison que la phrase a fusé dans ma tête en français et que je ne savais pas si je devais lui parler anglais ou essayer de pratiquer un peu l'allemand. Et puis je lui ai demandé d'où il venait, quel voyage il venait d'effectuer, et il m'a raconté un peu. Il a parlé des trains qui étaient beaucoup moins cher en France qu'en Allemagne. Alors, l'homme assis à côté de lui de l'autre côté du couloir s'est mis à lui poser des questions sur les trains qu'ils ont en Germanie, il a dit qu'il était ingénieur et qu'il inventait les trains, il a parlé des mérites du TGV, puis de la France en elle-même avec ses fromages et ses vins. Il a raconté qu'il avait la double nationalité française et marocaine, et qu'il aimait autant les deux pays, j'écoutais tout ça et l'Allemand alternait entre le Marocain et moi, je lui ai demandé son âge et il m'a dit qu'il avait vingt ans, le Marocain a rebondi en disant qu'il avait pile le double, quarante ans et demi. Quand j'ai dit que j'avais dix-huit ans, l'Allemand m'a dit qu'il me croyait plus vieille. Puis le voisin du Marocain, qui avait vécu un an en Allemagne, s'est mis à lui parler en allemand, et c'était un joyeux mélange. Au moment de partir, j'ai demandé Wie heisst du ? et il m'a répondu : "Jan Oliver... Jean Olivier ! Und du ?", j'ai dit mon nom, il a ajouté quelque chose en l'une ou l'autre langue que je n'ai pas saisi, puis Nice to meet you, j'ai dit que moi aussi, et Auf Wiedersehen avec un grand sourire. Je souriais toujours quand je suis descendue sur le quai et que je suis tombée sur une de mes collègues de cet été, au centre aéré. Etant donné qu'elle habite à Dijon, je ne m'attendais pas du tout à la voir à Mulhouse. Et ce n'était que la première surprise. En attendant ma mère dans le hall, j'ai vu débarquer les gens du train en provenance de Strasbourg. J'ai d'abord vu Benoît et j'ai tenté de le poursuivre mais il est monté dans un autre train. En faisait demi-tour j'ai croisé deux gentilles filles de mon lycée et en discutant brièvement avec elles, j'ai vu arriver Niko. J'ai poussé un cri suraigu uniquement composé de iiiiiiii et j'ai dit aux filles : "Excusez-moi, mais là...", et j'ai couru droit sur Niko. Mais Niko était pressé, Clarisse sa maman l'attendait dans la voiture. En sortant pour attendre la mienne, j'ai vu deux autres garçons du lycée, dont un qui était dans ma classe. Ils m'ont aperçue aussi, je les ai rejoins et nous avons discuté avant de trouver nos parents respectifs. J'étais ravie de toutes ces rencontres, toutes ces petites surprises qui marquent le véritable début de mes histoires de train.
Coucher de soleil par la fenêtre, côté gauche, l'hôtel Mercure, seule légère tache dans le paysage.