Mardi 5 octobre 2010 à 23:02

En face de toi un mur, sur ce mur des fenêtres, dans l'une des fenêtres un reflet. Tu attends. Longtemps. En faisant semblant de travailler, parce que maintenant ça suffit, tu as passé un an à repousser éternellement les échéances, tu ne vas pas recommencer ici. Plus de quoi être timide, plus de quoi être respectueuse du silence. Tu attends longtemps, pour rien, tu finis juste par te ridiculiser, sûrement. Echec. Bravo.
N'empêche qu'ils m'ont tous parlé de Damien Saez, Clémence, Robin, Tarik... je me suis demandée si je n'avais rencontré que des âmes révolutionnaires. En tout cas, il a bien fallu que j'écoute un peu ça, depuis le temps que j'en entendais parler. Et bien depuis hier je n'arrête pas. Ca donne un drôle de goût à l'instant. Ca donne de drôles d'accents graves aux conversations immorales. Et c'est drôlement vrai. Ou plutôt pas vraiment drôle. La semaine dernière, je me suis shootée au premier album de Luke, une vraie merveille. Je suis d'humeur à la rage douce et à l'auto-dérision.
J'ai bien envie de me laisser dissoudre, un peu.

http://img404.imageshack.us/img404/5498/img1915f.jpg
 

Vendredi 1er octobre 2010 à 16:32

<< Bonjour, un aller pour Belfort, le train de 19:34 s'il-vous-plaît.
- Carte 12-25 ?
- Oui.
- Un aller simple ?
- Oui.
-
[Sourire] Il est dans cinq minutes si je me trompe pas alors je vais essayer de me dépêcher... Je me dépêche. [Sourire toujours, coup d'oeil à ma carte bancaire] Mademoiselle Lise...
- Oui !
- Je suis curieux. Je suis très curieux, même un peu trop !
- Non, c'est bien !
- Ah bon, c'est vrai ?
- Oui, moi je trouve ça très bien d'être curieux !
- Vraiment ? Ah, je rencontre jamais les bonnes personnes au bon moment !
-
[Sourire]
- Vous êtes à l'école à Besançon ?
- Oui, à la fac.
- Fad de ?
- Lettres.
- Histoire, psycho... ?
- Sciences du langage !
- Ouh là, faut que je fasse attention à bien parler alors !
- Non non, pour l'instant c'est... pas très compliqué.
- C'est la première année ?
- Oui.
- Ah, moi je pensais que vous aviez 22, 24 ans ! Eh non, si jeune, 19 ans !
- Dix-huit !
- Je pensais pas ! Vous faites plus, pas beaucoup, mais un petit peu quand même ! >>

Je souris, je dis d'accord, je n'ai pas le temps de lui raconter ma vie, il ne reste que quatre minutes. Et le garçon de première année de médecine, avec qui je cours pour aller sur le quai, qui me vouvoie. L'Allemand de vingt ans l'autre fois, qui croyait que j'étais plus vieille que lui. Mon voisin qui s'était étonné aussi. Seul Tarik s'était douté que j'avais dix-huit ans. Mais une semaine plus tard, il m'a dit que je n'étais pas comme les autres filles de mon âge.

http://img8.imageshack.us/img8/48/img8781e.jpgVendredi, jour maudit. Je devrais travailler mais le but de ce travail ne correspond plus à mes envies du moment. Je n'arrive pas à m'y mettre, j'ai trop de choses à penser. Et ici, je ne ressens qu'engourdissement. J'aimerais me pelotonner dans mon lit et dormir jusqu'à dimanche, me lever en fin d'après-midi pour aller chez Quentin avant de prendre mon train. Le lave-vaisselle est tombé en panne la semaine dernière, non mais expliquez-moi à quoi ça sert de rentrer si c'est pour faire encore la vaisselle à la main, en y incluant la vaisselle des autres ? Sans oublier de suspendre le linge et de passer l'aspirateur, ce genre de conneries qui sont là pour te rappeler que tu n'es pas à l'hôtel ici et que tu dois mériter de ne pas payer toi-même ton loyer. Je ne suis plus que colère, mais une colère paresseuse, ce qui m'exaspère encore plus. Un beau jour, la procrastination aura raison de moi. Elle est déjà en train de faire son chemin. Ici c'est bien trop grand, trop vide, trop calme pour que je puisse me motiver à quoi que ce soit qui nécessite le bon fonctionnement de mes méninges. Cela dit, ce n'est pas nouveau. J'ai toujours été comme ça, inapte au travail à l'avance, et cela n'a fait qu'empirer avec le temps. Je n'arrive pas à me refaire. Penser à l'avenir sans prendre le temps de vivre le présent, très peu pour moi. Et mon présent est assez captivant pour que je veuille me détourner totalement du reste.
Non, à l'avenir, je ne rentrerais plus le jeudi soir.
 

Vendredi 24 septembre 2010 à 19:16

Hier matin, en cours de phonétique, mes amis franc-comtois étaient bien largués avec les o et les é. Le Franc-Comtois est une espèce assez drôle, il ne fait pas de [velo], mais du [vεlɔ] (cherchez dans le dictionnaire si vous n'avez jamais fait de phonétique). Ils s'obstinaient assez avec leur ], et certains ne comprenaient pas non plus la différence entre le ] et le [œ]. Très franchement, je m'éclatais. La transcription phonétique, c'est presque mathématique. A force de relever les erreurs d'ouverture de l'accent franc-comtois, j'ai révélé ma non-appartenance à la région. "Vous venez d'où ?", m'a demandé le prof, qui soit-disant devait se forcer pour bien prononcer les phrases qu'il nous dictait, mais qui a quand même dit distinctement "Lui est Louis", au lieu de "Lui et Louis"... "D'Alsace", répondis-je bien entendu. Et c'est là que j'ai réalisé que l'accent alsacien a beau être très particulier, au moins il n'agit que sur la longueur des syllabes, et pas sur la prononciation même des voyelles. Certes, les vieux qui parlent l'alsacien couramment ont tendance à confondre les je et les che, les grand et les cran, les pain et les bain, et à manger du cratin de gourgette. Mais en même temps, à l'époque où il sont nés, on ne parlait même pas français en Alsace. Puis les Allemands ont débarqué pendant la WWII, et c'est seulement après que la langue française s'est imposée, alors on ne peut pas vraiment leur en vouloir. La conclusion de tout ça, c'est que l'accent alsacien n'est peut être pas subtil, ni élégant, et que j'ai sorti des et des yeu par inadvertance cette semaine, mais que le franc-comtois ne vaut absolument pas mieux.
Cela dit, à Besac, il a fait beau et chaud de lundi à jeudi, et je me suis promenée en robe comme en été. Ce matin, j'ouvre mes volets sentheimois, et c'est le gris. Il fait nuit dans la maison, il fait noir dans ma chambre même en retirant les rideaux, et il fait froid. Un pantalon, des chaussettes, un T-shirt à manches longues et un gilet par-dessus, il fait bon sous mes vêtements mais j'ai le nez gelé. A Besançon, au sixième étage de mon immeuble rue de la Mouillère, le soleil tape toute la journée sur la baie vitrée et je suis assaillie par la chaleur en rentrant le soir.
Je me suis dit aussi qu'il serait bien que je photographie un peu ce que je vois tous les jours, pour vous montrer, alors venez, je vous emmène sur le chemin de la fac.

http://img84.imageshack.us/img84/2128/img1834w.jpgLe pont de la République.

http://img810.imageshack.us/img810/7477/img1835c.jpgVue depuis le pont, toujours le même parc qui s'étend jusqu'au pont de Brégille. J'habite de l'autre côté des arbres.

 http://img689.imageshack.us/img689/7782/img1836t.jpgLa Grande rue, d'un côté de la place du huit septembre.

  http://img529.imageshack.us/img529/2654/img1840k.jpgLa merveilleuse affiche qui habille tout le centre-ville et qui me manquera sacrément quand le festival sera terminé. A l'arrière, la basilique Saint Pierre, à moins que ce ne soit qu'une église, qui fait dire place Saint Pierre aux gens, alors que c'est la place du huit septembre -libération de Besançon.

 http://img835.imageshack.us/img835/723/img1841f.jpgGrande rue, de l'autre côté.

 http://img828.imageshack.us/img828/5433/img1843o.jpgEt enfin, l'entrée de l'UFR SLHS de Besançon. La fac de Lettres, pour être plus simple.

Jeudi 23 septembre 2010 à 22:46

D'accord. Je suis à Sentheim. J'ai fini ma semaine ce matin à onze heures à Besançon et j'ai réussi à négocier pour passer l'après-midi chez Quentin, à Belfort. On s'est dit à jeudi prochain, ou non, à dimanche, parce qu'il est clair que mes incursions post- ou pré-trajet en train vont devenir une chouette habitude. Et c'est la belle vie comme ça. Semaine impeccable, weekend qui commence tout aussi bien. Clémence m'a invitée à manger chez elle hier soir, avec son voisin Robin, celui qui m'avait dit de rester avec eux pour jouer de la guitare sur les quais la première semaine, et Amélie qui était là aussi ce fameux jour. J'ai pleuré de rire à table, à force d'accumuler j'ai été prise d'un fou rire difficile à maîtriser, il suffisait que Robin ajoute un énième "C'est cool" pour que je reparte. Il faut dire qu'il a quand même réussi à me faire croire qu'il utilisait un dentifrice bio à base de terre, stocké dans un bocal consigné. Non je n'avais pas mangé mon bon sens, c'est juste que c'est un personnage tellement haut en couleur que le coup du dentifrice bio à la terre ne m'a plus étonnée que ça. Robin est un anarchiste qui y croit, qui récite des paroles de chansons engagées à tout bout de champ, dont celles écrites par son meilleur ami, et quand il a lancé : "J'ai douté des détails", j'ai rebondi sur "...jamais du don des nues. Noir Désir est mon groupe préféré." "C'est vrai ? Moi aussi !", et nous nous sommes ainsi retrouvés à écouter la musique du plus grand poète-meurtrier du monde. C'était COOL. Nous avons aussi eu un petit débat sur l'anarchie, puisque je lui ai dit que je ne croyais pas en la race humaine, enfin je dis débat, mais non je devrais plutôt dire discussion avec respect du point de vue de l'autre. Maintenant je sais que quand je le croiserai à l'avenir, je pourrais lui lancer du "Salut Pierre-Joseph" ou du "Entre les dérapages, entre les lignes d'orage", au lieu des sourires que nous échangions jusqu'à présent histoire de dire "je te reconnais, mais c'est tout" (je le croisais vraiment partout, tout le temps). Et puis j'ai revu Tarik, aussi, Tarik qui assume de me raconter des conneries pendant deux heures de cours, juste sous le nez de la prof, parce qu'il n'a pas choisi de s'asseoir au premier rang. Et j'ai encore fait connaissance avec une fille de ma classe ce matin, une fille que je trouve très vraie, qui me plaît donc assez au premier abord. Je deviens un être social, je suis ébahie. Ah et j'ai renoncé à acheter un (autre) tee-shirt Jim Morrison. En fait, je n'avais pas pensé, avant de l'essayer, que la tronche d'un beau mec, une fois moulée sur le buste d'une femme, ne ressemble plus à rien. C'est vrai quoi, mes seins -pourtant pas d'un grand modèle- ont causé des déformations irrémédiables à la bonne gueule de Jim, alors je me suis retenue de rire, j'ai rendu le tee-shirt, et je suis partie. Ca me permet de dire que j'ai acheté une robe parce que je n'ai pas acheté Jim. C'est fou d'ailleurs comme le monde change quand tu portes une robe, c'est pas la veille, quand je me trimballais avec mon pantalon à bretelles, que je récoltais des "Bonita" et des "Bonsoir mesdames, vous êtes belles"... J'ai pris des photos, non pas pour faire joli mais seulement pour voir à quoi je ressemblais de la tête au pied puisque je n'ai qu'un petit miroir là-bas. Je vous laisse avec l'une d'elle histoire de vous montrer comment je me suis bien déguisée en bonne petite fac-de-lettreuse.

http://img228.imageshack.us/img228/949/img1824bu.jpg
Pour la vue d'ensemble c'est plutôt raté, mais les autres sont floues, ou sombres, ou mal cadrées, ou tout ça à la fois, mais si ça vous intéresse de savoir que j'ai poussé le vice jusqu'à m'acheter une broche-fleur -ouiouiouijel'aifaitc'estmal-, il y a toujours celle-là à titre indicatif.

Mardi 21 septembre 2010 à 22:02

Nous avons commencé à manger nos pâtes à vingt heures, vingt minutes avant le départ de mon train. "Tu viens avec moi à la gare ?" "Bien sûr !". Départ de chez Quentin un peu plus tard que prévu, je devais encore acheter mon ticket, Quentin regarde le code de ma carte bancaire et se précipite dans les escaliers. "Mais il est où mon train ?" "En face !". Je composte, je le suis, je n'ai absolument pas regardé ma voie sur les panneaux, me disant qu'il a l'air de savoir où il va. Quentin fonce au bas des escaliers, "Eh, je te rappelle que c'est moi qui prends le train et que j'ai une valise !", alors il remonte, me prend la valise des mains et nous courrons ensemble jusque sur le quai. "Tu vois, tu l'as pas loupé !", bref au revoir, il s'en retourne aussi vite qu'il était venu, merci pour les pâtes.

Arrivée à Besac dans un roulement de valises, je vous avoue ressentir une sorte de cohésion avec tous ces gens qui traînent leurs bagages sur les mêmes passages piétons que moi, dans le froid de la nuit. Lundi, huit heures de cours, une vraie journée bien remplie, une rencontre avec une vraie personne intéressante, Tarik, lors du cours d'Histoire des idées dans la littérature, matière qui me fera faire un peu de commentaires de textes, c'est bien. Et j'écris actuellement de... chez moi ! Ca y est, j'ai internet dans mon appartement. Il a fallu moult péripéties pour que le technicien arrive enfin chez moi, et j'ai finalement loupé une heure de cours, mais ça marche, et ça marche bien. Je n'ai pas faim, je me suis enfilée six tartines de Nutella pour le goûter... à 18:30, le temps de sortir de cours et d'attendre que les baguettes terminent de cuire à la boulangerie. J'ai pensé à ce vieux cliché du français avec la baguette sous le bras et j'ai ri intérieurement, parce que je portais mon pantalon à bretelles avec ma chemise blanche, et qu'à chaque fois je repense à Quentin me disant : "Allez viens, Gavroche".

http://img401.imageshack.us/img401/7346/img1812y.jpg Dans le parc en face de chez moi.

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