Je suis assez contente de moi en ce moment. Je vis pour moi, de moi. Je me tape de sacrés petits plaisirs solitaires avec mes vinyles, j'ai exulté quand j'ai acheté un câble pour connecter tous mes appareils sono aux mêmes enceintes et j'ai débordé de gratitude quand Luc m'a dit : "Mais tu sais, y a plus simple. Tu vois, j'ai des hauts-parleurs Sony, et un ampli d'une autre marque. Mais à la base, j'avais un ensemble Sony. Et l'ampli Sony en parfait état est rangé dans un carton.". Je cuisine des tonnes de muffins salés, c'est beau et bon. Et pratique à manger devant un film. Je dévore les livres, les disques, et les épisodes de Breaking Bad aussi. J'élargis un peu mon cercle d'amies dans la promo, on commence timidement à se montrer qu'on s'aime bien ; j'adore cette phase des relations humaines. Nous sommes allées voir Django au cinéma, dans une grande salle avec du gros son. J'avais un sourire béat du début à la fin. C'était la première fois que je voyais un Tarantino en salle ; le matin même je m'étais mise la musique du concours de twist en tête en ouvrant les yeux sur mon poster de Mia Wallace me dévisageant. Et donc, j'ai adoré Django, et le lendemain j'ai mangé dans un resto américain pour la première fois de ma vie, j'ai terminé sur un milkshake à cinq dollars et j'ai revu Pulp Fiction pour la enième fois, en bonne compagnie. C'était donc un excellent weekend tarantinesque. C'est un peu pour ce genre de trucs que j'existe.
Dimanche 27 janvier 2013 à 13:26
J'ai passé la matinée à lire plein d'articles intéressants au sujet de ce cher mariage, et j'ai conclu en postant sur Facebook cette petite BD, histoire de riposter un peu face aux publications d'une copine catho, vous savez, les pages nommées Manif Pour Tous dont la description est "NON A L'HOMOPHOBIE !", et quand on y regarde de plus près, c'est pour y lire "samedi prochain, manifestons tous pour le droit des enfants à avoir un père et une mère". Une telle hypocrisie, les détracteurs qui se déguisent en partisans pour élargir leurs rangs, ça m'avait mise hors de moi. Donc, je trouvais que ma matinée commençait bien avec tous les beaux arguments lus en faveur de l'égalité des droits pour tous (vous savez, là, ce mot qu'on trouve dans notre devise nationale). Je m'apprêtais à passer à autre chose, et voilà que je trouve dans ma boîte mail un texte envoyé par ma grand-mère sur ce même sujet. Avant même de l'ouvrir, je savais à quoi m'attendre - élections présidentielles, débat sur les droits des homos ; voilà des périodes qui donnent envie de faire une grande purge dans ses amis Facebook, mais on ne peut pas appliquer ça à sa famille. J'ai quand même ouvert le document par curiosité et pour être sûre de l'opinion de mes grands-parents ; je me suis arrêtée à "rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste", tellement mes yeux saignaient.
Quand je vois ce genre de choses, j'admire mes parents de ne pas avoir suivi les leurs et de s'être fait leur propre éducation politique. Que faire contre ça ? Je ne peux pas laisser passer de telles ignominies, il faut que je réplique, tout en essayant de ne pas me brouiller avec ma famille (je ne dirais jamais assez que grandir, c'est découvrir les énormes défauts des personnes qu'on a toujours aimées). De plus, si je plaide la tolérance, je dois tolérer l'opinion des autres. L'écart générationnel n'est pas pour rien dans le fait que mes grands-parents se retrouvent en possession de documents anti-mariage, tandis que de mon côté j'ai à portée de main un tas d'articles en faveur (merci Twitter). Donc, mission du jour : trouver un article à envoyer en retour mais qui clôturerait le débat (si on a envie de s'énerver pendant les repas de famille, on propose toujours avec Luc : "Et si on parlait politique ?"). Les opinions et certitudes de ces personnes qui ont deux générations de plus que moi sont ancrées et bien ancrées depuis trop longtemps pour pouvoir évoluer un minimum grâce à la mise en commun des avis, j'ai déjà essayé. Ayant une plus grande expérience de la vie que moi, ils s'imaginent détenir la Vérité, qu'ils essaieront de me faire avaler malgré mes protestations. Chacun se braque et reste campé sur ses positions. La meilleure solution dans cette situation n'est donc pas la plus noble : la fuite. Malheureusement, il vaut parfois mieux ignorer les croyances des uns et des autres pour continuer d'aimer son prochain.
Quand je vois ce genre de choses, j'admire mes parents de ne pas avoir suivi les leurs et de s'être fait leur propre éducation politique. Que faire contre ça ? Je ne peux pas laisser passer de telles ignominies, il faut que je réplique, tout en essayant de ne pas me brouiller avec ma famille (je ne dirais jamais assez que grandir, c'est découvrir les énormes défauts des personnes qu'on a toujours aimées). De plus, si je plaide la tolérance, je dois tolérer l'opinion des autres. L'écart générationnel n'est pas pour rien dans le fait que mes grands-parents se retrouvent en possession de documents anti-mariage, tandis que de mon côté j'ai à portée de main un tas d'articles en faveur (merci Twitter). Donc, mission du jour : trouver un article à envoyer en retour mais qui clôturerait le débat (si on a envie de s'énerver pendant les repas de famille, on propose toujours avec Luc : "Et si on parlait politique ?"). Les opinions et certitudes de ces personnes qui ont deux générations de plus que moi sont ancrées et bien ancrées depuis trop longtemps pour pouvoir évoluer un minimum grâce à la mise en commun des avis, j'ai déjà essayé. Ayant une plus grande expérience de la vie que moi, ils s'imaginent détenir la Vérité, qu'ils essaieront de me faire avaler malgré mes protestations. Chacun se braque et reste campé sur ses positions. La meilleure solution dans cette situation n'est donc pas la plus noble : la fuite. Malheureusement, il vaut parfois mieux ignorer les croyances des uns et des autres pour continuer d'aimer son prochain.
Mercredi 23 janvier 2013 à 19:19
Le beau-père n'était pas bourré cette fois-ci. Il a ouvert la fenêtre, m'a regardée de ses yeux dégénérés, a souri - "Lise, c'est ça ? Je vous ouvre." - d'un air sympathique. J. n'a pas répondu quand j'ai toqué à la porte de sa chambre, c'est que les autres entrent habituellement sans attendre une réponse. Le vieux avait un oeil sur moi malgré sa sobriété. Combien de mauvais pères, combien de mauvais beaux-pères, pourquoi ? Chienne de vie. Je suis rentrée chez moi imprégnée de l'odeur de la chambre de J., un mélange de tabac froid, d'Air Wick automatique et de déodorant masculin. Quelle étrangeté de ramener chez soi l'odeur de chez les autres. Quelle absurdité de porter sur soi l'odeur d'une personne avec laquelle on a des relations strictement professionnelles.
Chaque fois que je m'éloigne du centre en bus, c'est la désolation. Je m'assois généralement au premier rang après la deuxième porte, à gauche, là où une espèce de ventilation crache de l'air chaud. Quand le bus est bondé, on se rend compte que la taille des sièges n'est pas tout à fait adaptée à l'accueil de deux personnes l'une à côté de l'autre. Il y a toujours des vieux qui refusent les places que leur proposent d'autres personnes, et des femmes entre deux âges, debout, qui foudroient du regard les plus jeunes assis. Il y a souvent des passagers qui crient dans vos oreilles en partant du principe qu'ils peuvent converser bruyamment puisque vous ne comprenez rien à leur langue (ça va de l'Alsacien au Turc en passant par l'Italien et le Serbe et qu'en sais-je)(c'est aussi valable dans le train d'après les expériences de Martin avec les Alsaciens), et puis les jours de malchance il y a une timbrée qui vient vous tenir la jambe (vous tenir le crachoir, vous taiIler une bavette...). Parmi les timbrées, il y a plusieurs choix, personnellement j'ai déjà eu droit à la rageuse qui rumine sur le fait que les enfants aient des places assises, "alors qu'un enfant, c'est souple, ça peut rester debout", et à l'épouvantail qui me fait un exposé de géo-esthétique ("dans le Nord ils sont grands, élancés et blonds aux yeux bleus, comme vous") en terminant par la présentation de ses canons de beauté (Victoria Silvtruc, là, et puis Johnny). Vingt minutes à contempler un surprenant assemblage de moustache et de rouge à lèvres. Dans le bus, j'ai parfois pitié de l'humanité. Et puis dans le bus, il y a ce paysage tristounet sur fond de ciel gris, qui fait que j'ai même pitié de moi-même pour me trouver là. Vous remarquerez que dans le bus, même les meilleurs d'entre nous ont cet air vague, morose, éteint.
Mais, - parce qu'il y a un mais - cette plongée hebdomadaire dans la désolation en vaut la peine. Pourquoi ? Parce que j'ai commencé un nouveau stage du genre trop bien. Hier, deuxième jour de stage, c'est moi qui ait supervisé tous les jeux et exercices des patients, sur consignes de l'orthophoniste. A 19h, j'ai regardé l'horloge et je n'en revenais pas. Le temps passe tellement plus vite quand on n'est pas en simple observation ! Ma maître de stage est géniale, son cabinet aussi, elle me sert le café et le thé avec du chocolat et des petits biscuits, me dépose sur son chemin en rentrant, que dire de plus ? Avant de se quitter, elle m'a demandé si je voulais prendre en charge un patient, c'est-à-dire préparer les séances à chaque fois et non exécuter simplement ce qu'elle me demande de faire. Trouver moi-même des outils adaptés à la rééducation du patient. Dire que je ne m'en sens pas capable serait un euphémisme. Mais c'est un sacré coup de pied dans le cul que d'envisager ça dès le début de la deuxième année. Plus tôt je m'y mettrai, plus tôt je me sentirai légitime, et mieux je serai armée pour la suite. Quitte à devoir penser rééducation, autant s'entraîner à le faire avant que ce ne soit obligatoire et noté. J'ai reçu ma première évaluation de stage aujourd'hui, ça raconte entre autres que je suis serviable et que mes capacités d'observation se mettent en place. Ha ha ha. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Donc conclusion : on s'immerge dans le travail, on remonte ses bretelles, et comme dirait Caroline de Nos Jours Heureux, on se sort les doigts du cul (franchement, c'est une de mes citations préférées).
Chaque fois que je m'éloigne du centre en bus, c'est la désolation. Je m'assois généralement au premier rang après la deuxième porte, à gauche, là où une espèce de ventilation crache de l'air chaud. Quand le bus est bondé, on se rend compte que la taille des sièges n'est pas tout à fait adaptée à l'accueil de deux personnes l'une à côté de l'autre. Il y a toujours des vieux qui refusent les places que leur proposent d'autres personnes, et des femmes entre deux âges, debout, qui foudroient du regard les plus jeunes assis. Il y a souvent des passagers qui crient dans vos oreilles en partant du principe qu'ils peuvent converser bruyamment puisque vous ne comprenez rien à leur langue (ça va de l'Alsacien au Turc en passant par l'Italien et le Serbe et qu'en sais-je)(c'est aussi valable dans le train d'après les expériences de Martin avec les Alsaciens), et puis les jours de malchance il y a une timbrée qui vient vous tenir la jambe (vous tenir le crachoir, vous taiIler une bavette...). Parmi les timbrées, il y a plusieurs choix, personnellement j'ai déjà eu droit à la rageuse qui rumine sur le fait que les enfants aient des places assises, "alors qu'un enfant, c'est souple, ça peut rester debout", et à l'épouvantail qui me fait un exposé de géo-esthétique ("dans le Nord ils sont grands, élancés et blonds aux yeux bleus, comme vous") en terminant par la présentation de ses canons de beauté (Victoria Silvtruc, là, et puis Johnny). Vingt minutes à contempler un surprenant assemblage de moustache et de rouge à lèvres. Dans le bus, j'ai parfois pitié de l'humanité. Et puis dans le bus, il y a ce paysage tristounet sur fond de ciel gris, qui fait que j'ai même pitié de moi-même pour me trouver là. Vous remarquerez que dans le bus, même les meilleurs d'entre nous ont cet air vague, morose, éteint.
Mais, - parce qu'il y a un mais - cette plongée hebdomadaire dans la désolation en vaut la peine. Pourquoi ? Parce que j'ai commencé un nouveau stage du genre trop bien. Hier, deuxième jour de stage, c'est moi qui ait supervisé tous les jeux et exercices des patients, sur consignes de l'orthophoniste. A 19h, j'ai regardé l'horloge et je n'en revenais pas. Le temps passe tellement plus vite quand on n'est pas en simple observation ! Ma maître de stage est géniale, son cabinet aussi, elle me sert le café et le thé avec du chocolat et des petits biscuits, me dépose sur son chemin en rentrant, que dire de plus ? Avant de se quitter, elle m'a demandé si je voulais prendre en charge un patient, c'est-à-dire préparer les séances à chaque fois et non exécuter simplement ce qu'elle me demande de faire. Trouver moi-même des outils adaptés à la rééducation du patient. Dire que je ne m'en sens pas capable serait un euphémisme. Mais c'est un sacré coup de pied dans le cul que d'envisager ça dès le début de la deuxième année. Plus tôt je m'y mettrai, plus tôt je me sentirai légitime, et mieux je serai armée pour la suite. Quitte à devoir penser rééducation, autant s'entraîner à le faire avant que ce ne soit obligatoire et noté. J'ai reçu ma première évaluation de stage aujourd'hui, ça raconte entre autres que je suis serviable et que mes capacités d'observation se mettent en place. Ha ha ha. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Donc conclusion : on s'immerge dans le travail, on remonte ses bretelles, et comme dirait Caroline de Nos Jours Heureux, on se sort les doigts du cul (franchement, c'est une de mes citations préférées).
Lundi 21 janvier 2013 à 22:17
Bon, je crois qu'on va se calmer. Quand je me suis réveillée dimanche, j'étais en paix et j'avais l'impression d'émerger d'une sacrée crise d'hystérie. Ni plus ni moins. C'est fou parfois comme je m'insupporte. Et le moment n'est pas venu de perdre du temps à se battre contre soi-même. On entre dans une période plutôt dangereuse où les journées de cours sont enfin complètes, les exams pointent leur nez, et on n'est plus si larges que ça pour rédiger nos rapports de stage. Les trois heures de TD de voix sont passées, plus une prise de conscience corporelle qu'autre chose, avec ça je suis plutôt dans la merde si je veux rééduquer la voix plus tard. Putain, en me plantant dans le sol j'ai senti ma scoliose ! Vraiment ! J'ai complètement ressenti le fait d'avoir une colonne vertébrale tordue et un bassin décalé sur son axe. J'ai compris que je n'avais aucun souffle, aucun équilibre, aucune maîtrise du geste, enfin bref, aucune des qualités nécessaires à un thérapeute de la voix, si ce n'est l'oreille. Donc je vais avoir un sacré boulot à faire, mais à vrai dire je m'en doutais depuis longtemps. Comme autres cours non magistraux, nous avons commencé la LSF, et c'est tout simplement fabuleux. Pour vous donner un exemple, aujourd'hui nous avons appris à dire lèche-cul en langue des signes, et bien vous connaissez cette expression qui dit "ça s'écrit comme ça se prononce", imaginez-vous qu'on la transpose sur la LSF : ça se signe comme ça se fait. Voilà. Je tenais simplement à vous dire ça, bonne soirée.
Samedi 19 janvier 2013 à 19:05
What I need too much is days. What I need too much is nights. What I need is never done, what I need is never found, what I need is ever wasted.
J'ai mis mon plus beau pantalon de clocharde et je suis partie sous les ponts, sous les stalactites, sous les saules pleureurs. A l'étage inférieur, le long de la rivière, à un mètre de l'eau ; le chemin pour moi seule, la ville et les gens au-dessus de ma tête. Pas de plus belle manière d'illustrer que je vis dans le monde sans y être. Ou que j'y suis sans y vivre. Je marche pour faire fonctionner mon corps parce que mon cerveau s'est arrêté. Si je ne lance pas le mouvement perpétuel, comme les métronomes ou le principe d'inertie ou je ne sais plus comment ça s'appelle, je suis un poids mort. Il y a quelque chose en moi qui gronde et ne demande qu'à sortir, mais ne peut pas. Comme l'orgasme qu'on effleure mais qu'on n'atteint pas, il y a ce sanglot au fond de la gorge prêt à bondir mais qui ne sortira jamais, cette enclume dans la poitrine qui empêche de respirer et attire le corps vers le sol, incroyablement lourd. Je suffoque. J'étouffe d'être moi, de ne pas avoir changé en deux ans, de ne pas savoir vivre, de foncer toujours droit dans le mur sans aucun instinct de survie, de supporter ce corps qui exige ce qu'on lui refuse. Je tousse dans la fumée dense qui a envahi mes pensées. Je n'ai jamais eu d'addiction à une quelconque substance, et pourtant je sais ce qu'est l'état de manque. Je suis réduite à néant.
J'ai mis mon plus beau pantalon de clocharde et je suis partie sous les ponts, sous les stalactites, sous les saules pleureurs. A l'étage inférieur, le long de la rivière, à un mètre de l'eau ; le chemin pour moi seule, la ville et les gens au-dessus de ma tête. Pas de plus belle manière d'illustrer que je vis dans le monde sans y être. Ou que j'y suis sans y vivre. Je marche pour faire fonctionner mon corps parce que mon cerveau s'est arrêté. Si je ne lance pas le mouvement perpétuel, comme les métronomes ou le principe d'inertie ou je ne sais plus comment ça s'appelle, je suis un poids mort. Il y a quelque chose en moi qui gronde et ne demande qu'à sortir, mais ne peut pas. Comme l'orgasme qu'on effleure mais qu'on n'atteint pas, il y a ce sanglot au fond de la gorge prêt à bondir mais qui ne sortira jamais, cette enclume dans la poitrine qui empêche de respirer et attire le corps vers le sol, incroyablement lourd. Je suffoque. J'étouffe d'être moi, de ne pas avoir changé en deux ans, de ne pas savoir vivre, de foncer toujours droit dans le mur sans aucun instinct de survie, de supporter ce corps qui exige ce qu'on lui refuse. Je tousse dans la fumée dense qui a envahi mes pensées. Je n'ai jamais eu d'addiction à une quelconque substance, et pourtant je sais ce qu'est l'état de manque. Je suis réduite à néant.
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