Samedi 18 septembre 2010 à 15:49
Et alors je suis là, parce que le weekend c'est quand même sacrément nul quand tu ne vois pas tous les gens que tu aimerais voir. Tu es là-bas, dans ton appartement tout neuf, dans une ville magnifique, tu suis des cours intéressants dans une belle faculté au centre-ville, tu as une copine que tu retrouves pour manger, et tu l'invites à manger chez toi un soir et elle t'invite chez elle le lendemain, vous vous racontez de plus en plus vos vies respectives et vous commencez à vous connaître de mieux en mieux. A part elle, tu rencontres quelques personnes, jamais de manière très approfondie, ou alors ceux que tu vois souvent ne sont pas ceux qui t'intéressent le plus, mais tu fais de nouvelles connaissances chaque jour. Tu vas et tu viens dans les rues, tu rentres dans les magasins juste pour regarder mais tu vois plein de choses que tu voudrais bien acheter, et alors ce tee-shirt Jim Morrison mille fois plus beau que celui que tu as déjà, c'est le pompon. Tu as beaucoup de temps libre et pas encore de travail, tu ne sais pas comment tu fais pour occuper tes soirées mais pour l'instant tu n'as pas encore réussi à t'ennuyer, c'est une grande surprise. Tu as quand même emprunté trois bouquins de linguistique à la BU parce que tu trouves ça anormal qu'on ne te donne pas de devoirs. Tu es bien, tu as tout ce qu'il te faut, sauf les gens que tu aimes vraiment. Ils te manquent. Ils te manquent physiquement et mentalement, et le langage que tu emploies avec eux te manque aussi, c'est fatiguant de rester poli avec les gens que tu connais peu. Tu es bien, tu es tranquille, tu n'as pas peur, même la première nuit seule tu n'avais pas peur, tu te réveilles souvent la nuit sur ton matelas trop dur, sûrement à cause du bruit du frigo, ou parce que deux types se prennent la tête en braillant dans la rue, mais tu n'as jamais peur, et tu ne sens jamais la solitude te peser, même que tes parents t'exaspèrent s'ils téléphonent au bout de deux jours. La solitude te plaît plutôt bien. Mais il y a quelque chose qui cloche. Il y a même plusieurs choses qui clochent carrément, de différents ordres, certains choses que l'on pourrait qualifier de futiles, ou en tout cas de supportables, et d'autres choses d'une importance capitale qui ont un lien avec l'avenir et te bouffent de l'intérieur. Oui, il y a beaucoup de choses au fond de toi qui clochent grave, et qui créent une cacophonie insupportable dans ta tête. Alors tu fixes le vide pendant des heures et tu imagines. Alors tu deviens folle lorsque tu regagnes la maison familiale et qu'on te demande de mettre la table, d'aider à la cuisine, de suspendre ton linge. Tu le détestes à la moindre remarque, et elles sont nombreuses. "Alors, t'es pas morte de faim ?". La haine grandit en toi.